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Je ne lui apprends rien…

Depuis le début je sais bien que ma fille a une drôle façon d'apprendre. Par drôle j'entends qui me surprend, non pas qui sort de l'ordinaire. J'extrapole et je me dis que tous les enfants apprennent de cette façon, c'est juste qu'on ne m'y avait pas préparée.

Très concrètement, elle apprend par bonds. Un jour elle ne sait pas. Quelques jours plus tard, elle sait tout comme une évidence. Les couleurs, un jour elle n'en connait aucune —mais bon je lui ai quand même montrer l'arc-en-ciel— et deux semaines plus tard, elle les connait toutes, comme ça d'un coup, sans en reparler avec moi avant. A sa demande, je m'amuse à lui écrire les jolis mots de MAMAN, PAPA, LOUTRE, MAMIE, … J'ai beau lui montrer maintes et maintes fois, elle n'en reconnait jamais aucun (ou alors, c'est un coup de pot en sa faveur), je laisse tomber l’idée pendant plusieurs jours. Et puis soudain, à la fin du dîner, elle nous dit : « Je vais chercher les dettes. » Les dettes ? Qu'est-ce que c'est que les dettes ? Elle revient toute joyeuse avec les lettres magnétiques qu'elle avait reçues à Noël, nous les collons ensemble sur le frigo* et je remarque alors qu'elle en connait déjà quatre !

Et puis le M, le « Mmm… Maman ! » comme dit l’adorable, elle le voit partout. Sur mon clavier, dans le petit serpent que je dessine à la peinture… oui, quand on retourne la feuille, ça fait bien un M… sur une conserve de marmelade. Enfin : partout ! Elle avait eu plusieurs mois auparavant un même coup de génie pour le deux. Le 2, le 2 l’avait frappée peu avant ses deux ans. Comme s’il flottait dans les airs. Là maman, deux dames. Voyez ici deux femmes qui marchent côte à côte dans la gare. Là maman, deux chiens. Là maman, deux chaises. Là maman, deux arbres… Les paires lui sautaient aux yeux.

Partie de pêche avec sa canne à pêche qu’elle a faite elle-même.

Et puis le trois ? Bah le 3, rien. Jusqu’à ce que j’ai l’idée de le construire à partir du 2. Trois, c’est deux plus un, et puisque le deux elle adore et le un la rend un peu triste… « Oh maman, eugade, il est tout seul, elle est où sa maman ? » Je crois que ça vient doucement. Elle compte un peu : « un, deux, trois, ça fait trois ! » mais le problème quand on avance à coup de coups de génie c’est que la maman qui est en face a un peu de mal à avoir confiance. Coup de génitera ou coup de génitera pas ? Et si elle faisait tous mais vraiment tous ses apprentissages de cette façon ? Ce serait franchement formidable. C’est magnifique de voir la compréhension apparaitre comme ça, sans effort, comme si de rien n’était, en parfaite autonomie. Mais toujours cette question affreuse : et si ça ne le faisait pas ?

Et puis j’ai mes petits coups de flip. Comme la petite loutre ne prend plus de poids, la petite loutre n’apprend plus de mots. Elle progresse, c’est sûr, sa prononciation, sa syntaxe, ça devient bon. Mais le vocabulaire, bah dès qu’elle oublie un truc je m’inquiète. Les animaux d’Afrique, oui, elle a oublié le rhinocéros et la girafe il n’y a pas si longtemps —finalement nous en avons rencontrés pleins, ça va mieux, ouf ! et puis les légumes… Je suis bien consciente qu’il est normal d’oublier, et je ne lui en veux absolument pas et d’ailleurs je pense que la loutre le sait bien parce qu’elle n’hésite jamais à me dire : « Je sais pas maman (comment) ça s’appelle ça ? » mais moi, de mon côté de maman, je ne peux pas m’empêcher d’y penser lorsque je me couche le soir.

Mais que cherche-t-elle ici ?

Evidemment, il y a toujours son petit éclair de génie hebdomadaire qui survient pour me faire sourire.  Je vous fais part de quelques unes de nos discussions :
« Oh maman, c’est quoi là ?
— J’appelle ça un cousin, c’est comme un moustique mais ça ne pique pas et c’est plus gros.
— Ca eussemble à bibilule.
— A quoi tu dis ?
— A un bibilule Maman !
— … (ici, je cherche à décrypter…) Ah ! Ca ressemble à une libellule ?
— Et oui. »
Dans ma tête, je sautille de fierté. Libellule ! Libellule ? Mais jamais je ne lui ai parlé de ça ! Je ne sais pas où elle a attrapé ce mot ! C’est incroyable !

Comme ça, sans prévenir, en jouant sur la banquette du camion :
« Maman, y’habite sur la Terre. Et Papa aussi. Et toi aussi. Tout le monde habite sur la Terre.
— Et le Soleil, il est sur la Terre ? (question piège, ah cette coquine de maman !)
— Non, la Terre tourne et hop c’est la nuit avec la Lune, elle tourne encore et hop c’est le jour. On voit le ‘leil. » 

Vous voyez un peu ? Elle apprend des trucs comme ça, aveuglément, inconsciemment. Maman-surpassement.

Après le noir omniprésent, petite passion pour le blanc…

Bon, je ne vais pas vous laisser comme ça sans vous transmettre de petites idées personnelles. Bah oui, ça fait quand même plus de deux ans que je connais la loutre, j’ai eu le temps d’élaborer deux-trois stratégies. Alors, si vous avez aussi un enfant ordinaire —j’entends pas là : comme l’adorable— voici comment adopter la bonne attitude pour les apprentissages.

Montrez les choses comme si de rien n’était. Vous pouvez attirer son attention avec un truc du genre : « Tiens, et si tu regardais ça… ? »
Surtout ! Ne le montrez qu’une fois. Ne pas rabâcher. Faut que ça paraisse na-tu-rel.
Demandez-lui subtilement s’il veut essayer de le refaire/redire/reproduire tout seul.
S’il refuse, hausser simplement des épaules.
S’il accepte, n’insistez pas pour qu’il le refasse plusieurs fois. S’il se trompe, n’en parlez pas. Si l’activité lui plait au point qu’il plonge dedans, éclipsez-vous sans faire de bruit…
S’il vous demande des précisions, s’il pose une question ou quoi : vous avez quand même le droit de sauter de joie !!! Youpiii !!!
Et puis ne lui reparlez plus du tout de tout ça avant qu’il ait lui-même décidé d’avoir son éclair de génie.

Et aussi : ne faites pas comme moi, ne stressez pas. :-)

____________________________
*C’est presque un choc culturel déjà de vous raconter ce souvenir…
A l’époque nous avions un FRIGO ????!!!!

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Céline.

Carlos Tinoco et l'intelligence

J'étais dans les rayons de la bibliothèque à la recherche d'inspiration. C'était écrit Psychologie sur l'étagère, juste avant Subconscient, même pas Psychologie Cognitive sinon c'était sûr l'Explorateur en me voyant m'aurait dit : « Ah non ! Pas encore ?! » alors j’évite. Mes yeux lisent et je ne les surveillais pas j’vous assure lorsqu’ils se sont arrêtés sur les mots intelligents. Deux fois dans le titre : Intelligents, trop intelligents. Ah ?… Et puis surdoués. Voilà, la machine à cogiter s’est remise en marche.

J’ai pris un autre livre du rayon, j’ai mis un livre par dessus l’autre pour faire mine de rien (oui, oui, François aime mes obsessions mais il ne me le fait pas toujours savoir) et j’ai passé les deux titres dans la bouche de la machine a emprunté les ouvrages. Et je l’ai lu très vite —celui de Carlos, avec curiosité au début et puis avec… un enthousiasme non mesuré.


Carlos Tinoco est enseignant de philosophie et psychanalyste. Il a été testé et confirmé HPI très jeune. Autrement dit : il a eu du temps et de la matière pour réfléchir au sujet. Qu’est-ce que la douance ? Pourquoi ? Comment ? Certain diront (peut-être comme l’Explorateur) un truc du genre : « Quoi encore un livre sur le sujet, c’est à la mode ou quoi ? » mais ceux-là ne savent peut-être pas que la douance est très mal définie, même par les experts du sujet, très mal comprise, même par les experts, et il suffit de lire plus d’un ouvrage sur le sujet pour s’en rendre compte. Donc, oui, un autre, et pas des moindres.

Je ne vais pas faire de faux suspens : le livre de Carlos Tinoco m’a beaucoup plu, parce qu’il a apporté une nouvelle pierre à mon édifice. Il est différent des ouvrages des psychologues ou des autres pseudo-psychologues qui ont décidé de traiter le sujet. Il n’a pas pour vocation de décrire le surdoué, ni d’apprendre à le reconnaître, ni même de donner des méthodes pour bien communiquer avec lui, le comprendre… Je dirais que le livre Intelligents, trop intelligents est une réflexion personnelle bien menée et bien écrite. Je l’ai lu en me plaçant d’égal à égal avec l’auteur et il me semble que c’est de cette façon qu’il faut aborder l’ouvrage. Non pas prendre Carlos comme un maître, pas comme quelqu’un qui est là pour vous apprendre quelque chose, mais comme quelqu’un avec lequel il est plaisant d’échanger sur le sujet de la douance et de l’intelligence parce qu’il s’est déjà formé une belle idée. Ce livre est donc à lire de la même façon que vous auriez pu lire ma propre Théorie de l’intelligence (parue en février 2016) ou avec le même recul dont vous auriez fait preuve pour écrire votre propre théorie. Evidemment, Carlos Tinoco emploie des termes psychanalytiques, il centre une bonne partie de son ouvrage sur l’éducation, mais que pouvons-nous y faire ? Ce sont ses métiers, on va pas empêcher à un tennis man de faire des métaphores avec sa pratique, n’est-ce pas ?

Dans le livre de Carlos il y a de la nouveauté. Est-ce d’ailleurs parce qu’il est enseignant et psychanalyste… ? Une nouvelle perspective, quelque chose que je n’ai lu chez aucun autre auteur : la question des règles implicites. L’éditeur parle d’un renversement de perspective et je ne suis pas d’accord. Ce n’est pas un renversement, non ce n’est pas cela et dommage parce que c’était vendeur, Carlos Tinoco parle d’un point très peu abordé lorsque l’on discute de la douance et le place au coeur même du problème. Ce que Carlos Tinoco appelle la Loi, il s’agit peut-être d’un terme psychanalytique mais il l’explique très bien, fonderait la différence entre une personne surdouée et une autre qui n’a pas cette caractéristique. Tandis qu’une personne dite normale l’intègre à son mode de pensée et de valeurs, le surdoué serait naturellement capable de la remettre en question et même de jouer avec elle.

La Loi n’aurait alors pas la même importance pour le surdoué que pour la personne normale (hein, je mets en italique parce que bon : qui est normal ? par là, j’entends ici non-surdouée) et ne pourrait donc pas lui épargner l’Angoisse de la mort. C’est psychanalytique, mais on en fait ce qu’on veut, je vous l’avez dit au début.

Je ne vais pas paraphraser Carlos parce qu’il raconte tout cela très bien dans son livre, je vais simplement donner un exemple proposé par l’Explorateur : Prenez une recette quelconque. Voici ce que François a observé lorsque je cuisine :
- Séparer les blancs et les jaunes
- Pourquoi ?
- Monter les blancs en neige
- Ca monte pas quand il y a les jaunes, c’est vrai que c’est ce qu’on dit, mais est-ce vrai ?
- Mélanger 150g de farine avec les jaunes.
- ??? (grosse interrogation de ma part… là, je suis perdue)
- Incorporer les blancs dans le mélange.
- Pourquoi cet ordre ? Pourquoi cette quantité de farine ?
- Ajouter le sucre en pluie.
- Pourquoi pas avec un puits ? Pourquoi seulement maintenant ?
- Tralala, la recette continue de donner ses ordres dans une anarchie totale…
- Et moi je lis tout très très calmement…
Ca se termine toujours pareil. Je fais autrement que ce qui est écrit. Et François s’arrache les cheveux.

Je ne suis pas certaine que cet exemple illustre exactement les propos de Carlos Tinoco mais je trouve de mon côté que ce n’est pas si mal trouvé. Et cette petite explication (la Loi, l’Angoisse, toussa toussa) répond à grand nombre de mes questions : pourquoi est-ce que je ne fais pas toujours comme tout le monde et que je suis véritablement paniquée lorsque je me retiens de faire autrement (quand je joue le jeu) et même lorsque je vois les autres répondre à cette Loi sans avoir l’idée d’y réfléchir en permanence ? Dans ma tête —et j’ai compris récemment que cela ne concernait quasiment que moi— toutes les possibles sont toujours possibles et non seulement celles qu’on, le monde ordinaire, te propose. J’appelle ça : remettre en question l’établi.

Voilà pourquoi dit-on que les surdoués sont trop, ou à côté. Ils ne vivent presque jamais dans l’établi.

J’ai aussi particulièrement aimé la façon dont Carlos se défait du tabou de la comparaison et de la classification. Il est simplement passé au dessus. Son raisonnement va au delà et c’est une belle bouffée d’air frais !

Cependant, j’émets ici une réserve, il me semble qu’il confond la cause et le fonctionnement. Autrement dit : je n’ai pas aimé son chapitre Inné ou acquis, il ne m’a pas convaincue du tout, et j’ai été bien gênée à chaque fois que ses propos y faisaient tacitement référence. Le fait que le surdoué soit capable de se placer à la hauteur de la Loi est pour Carlos Tinoco la cause de la douance, c’est ce processus qui ferait le surdoué, cette non inhibition dans les possibles. Ce n’est pas logique du tout, et cela fait un peu raisonnement qui se mort la queue. Quand j’ai lu ceci, je me suis posée la question suivante : mais alors, quelle est la première pensée, question, idée, hors cadre qui crée le surdoué pour ensuite lui fournir cette possibilité pendant la vie entière ? Et pourquoi lorsqu’une personne normale réussit à avoir une connexion hors cadre, ne devient-elle pas soudainement surdouée ?

Alors, non, je n’ai pas jeté le livre en disant : c’est n’importe quoi, c’est pas sérieux, patati patata, non, j’ai continué ma lecture et j’ai vraiment bien fait car j’ai lu une belle réflexion sur l’éducation, même si elle n’avait rien de novateur pour moi, et surtout une leçon de communication, leçon dont j’avais cruellement besoin. J’avais déjà trouvé une piste de réponse dans le livre de PetitCollin avec ce schéma :

mais, ce n’était ici qu’un principe de management, il n’expliquait pas grand chose pour moi et n’était pas toujours démontré par mon expérience. Carlos Tinoco dans le chapitre La folie de l’autre propose une idée bien plus complète et plus réaliste à mon humble avis.

Voyez deux personnes l’une en face de l’autre qui tentent de communiquer. Elles font appel à la Loi pour communiquer à propos d’un objet. Objet, action, sentiment… mettez-y ce que vous voulez. Grâce à la Loi, elles se comprennent. Moi, quand je vois les gens faire ça, je décroche. Je m’ennuie. J’angoisse. Pour moi, pour eux. Parce que voilà mon schéma de communication : Voyez deux personnes l’une en face de l’autre, qui observent un objet. Elles expriment chacune ce que représentent l’objet pour elles de façon à faire apparaître une Loi qui leur convienne. Voilà. Cela peut effectivement ressembler à une discussion centrée sur les croyances ou les valeurs ou même l'identité (comme le dit madame PetitCollin) mais non, ce n’est pas exactement ça. Ce que PetitCollin n’avait pas imaginé c’est que le problème est hors cadre. L’ordre ne s’établit que si on l’intègre parfaitement. Ce n’est pas un problème en pyramide, donc hiérarchisé, c’est une boucle qui est inversée.

Voici donc un article qui n’a pas pour but de vous présenter le livre Intelligents, trop intelligents — sans ponctuation cela veut bien dire ce que ça veut dire : ni question, ni réponse ; une réflexion qui s’aboutira à la lecture de chacun — mais de, peut-être, lancer une discussion sur le sujet. Alors, vous êtes prêts à entrer dans cette lecture ?

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Céline.

L'interview d'un Explorateur

J'ai cette envie depuis déjà un bon moment. D'interroger les gens que je rencontre, de les découvrir à travers des questions, de voir un peu de leur personne, de leur croyance, de leur découverte de la vie… tout ça à travers quelques points d'interrogation bien choisis. L'exercice me paraissait intéressant, aussi bien pour moi que pour les personnes qui accepteraient de se prêter au jeu.


Et François a accepté de participer. Ceci est donc ma première interview et je suis très heureuse de la partager aujourd'hui avec vous ! Il me paraissait évident de commencer par lui. Je ne savais pas s'il accepterait que l'on filme une vidéo de cette interview (je lui avais également proposé une interview écrite ou une podcast) et j'ai sauté partout lorsqu'il m'a affirmé être partant pour l'expérience !

François a répondu aux questions en direct, cette interview reflète parfaitement sa spontanéité naturelle, son assurance, ses hésitations, … et certaines questions lui ont posé bien du fil à retorde mais je crois qu'il a surtout admirablement assuré tout au long de la vidéo !

Lors du montage, j'ai coupé au mieux les passages où nous avions quelques soucis techniques (un appareil photo qui n'a plus de batterie, un soleil qui se couche, une petite loutre qui ne veut plus dormir, mon trépied artisanal qui refuse soudainement de tenir droit…), j'ai de plus passé une partie de la vidéo en noir et blanc pour contrebalancer le manque de lumière croissant, la soirée de l'interview avançant…

J'ai hésité à travailler davantage la vidéo, en ajoutant des titres ou des illustrations, mais ce travail supplémentaire nous aurait peut-être sensiblement éloignés de mon but initial : vous livrer une rencontre, sincère et simple.

Bon visionnage à vous !

Et si l'un d'entre vous désire à la suite de François, au grès de nos rencontres, se prêter au jeu, qu'il n'hésite pas à se faire connaître. J'ai déjà quelques cobayes dans le collimateur… ;-)


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Céline.

J’ai été prof particulier

Les débuts

Après l’obtention de mon diplôme (et même avant d’ailleurs), je ne me voyais pas du tout exercer en tant qu’ingénieur. On me demandait trop d’heures de présence, je n’aimais pas travailler dans un bureau et les sorties sur le terrain étaient trop rares, j’avais trop envie de bouger, de changer le monde entier et moi même et… j’attendais une petite loutre avec impatience. C’est ainsi qu’avant même d’entrer dans le bureau du DRH, je quittais la profession en ayant l’idée de devenir prof particulier.

J’ai toujours aimé expliquer, raconter, transmettre mes connaissances et apprendre d’autres choses chez les autres. Je pensais devenir prof de mathématiques alors commencer avec des petits cours particuliers me paraissait être une excellente idée. J’ai parlé de mon projet à un ingénieur qui travaillait avec moi avec lequel j’avais confiance et il m’a dit que l’une de ses amies avait choisi cette voie. « Elle n’a jamais exercé, m’a-t-il dit, elle donne des petits cours à Nantes, ça lui plait beaucoup. Et elle fait ça depuis 30 ans. » J’ai alors su que l’idée que je me faisais n’était pas complètement saugrenue et que c’était faisable. Et je n’ai pas eu peur.

J’ai commencé à être prof particulier à Grenoble. J’allais chez les familles à vélo, je donnais mon petit cours à des collégiens ou à des lycéens. J’étais payée en CESU 1h30 alors que je restais en moyenne deux heures avec les jeunes. Mais il faut dire que l’heure de cours était déjà tellement chère, et les cotisations doublaient tant la mise, que je n’osais pas demander les minutes supplémentaires aux parents. J’avais en retour quelques compensations. Un sirop offert lorsqu’il faisait chaud. Un bon chocolat au lait lorsque j’arrivais sous la pluie. Et puis, à la fin du mois je courrais après mon chèque et mes feuilles de paie. Je gagnais entre 300 et 500 euros par mois. Nous touchions le RSA activité pour compléter le loyer. Et nous mangions avec les sous de nos économies des années précédentes. J’étais assez contente de mon choix mais je sentais bien qu’il y avait quelques ajustements à apporter pour que ma situation professionnelle devienne viable.

Le vélo à Grenoble… Ah, c’était la belle époque… !

Et puis j’ai été arrêtée subitement à mon huitième mois de grossesse. La sage-femme m’a donné une fiche d’arrêt de travail (à quel employeur allais-je l’envoyer ? la fiche a disparu dans un dossier…) en me conseillant fortement d’arrêter le vélo. J’ai suivi son conseil et d’un coup mon petit ventre m’a paru bien louuuurd. Je ne sais pas si j’étais fatiguée sans le savoir ou si l’arrêt soudain d’activité m’a démotivée mais ce n’était qu’à partir de cet arrêt que j’ai senti le poids ma grossesse.

Et puis l’Explorateur a trouvé du travail. Nous avons déménagé en pleine cambrousse. Et il fallait bien que je recommence à travailler à ma façon parce que je déprimais à ne rien faire.

La reprise en auto-entrepreneur

J’ai décidé de continuer à donner des cours, en mettant en place quelques ajustements.

Je ne voulais plus courir après chaque parents pour qu’il daigne me payer ou déclarer mes heures de travail. Je ne voulais plus expliquer maintes et maintes fois que oui c’était normal de payer des cotisations, la différence entre salaire net et salaire brut, que si je travaillais plus d’un mois pour eux je voulais signer un contrat. Etre employée par les particuliers, sans convention collective, sans aide de l’URSSAF, c’était vraiment trop précaire pour moi. Dans l’esprit des gens, je n’étais pas une vraie professionnelle, et ça ne me convenait pas.

J’ai alors créé mon entreprise, je me suis inscrite en tant qu’auto-entrepreneuse. J’ai fixé un tarif fixe (que le cours dure 1h ou 2h, le prix ne changeait pas… Je pouvais dépasser sans me sentir arnaquée), et je déclarais moi-même mon chiffre d’affaire, je payais moi-même mes cotisations. Lorsque j’étais employée par des particuliers, je n’ai réussi à ne débloquer aucun droit, ni sécu, ni droits à la formation, ni congés payés, … RIEN ! Non, je n’avais jamais assez d’heures effectives. En auto-entrepreuse, tout a changé. Formations : OK. Sécu : OK. Congés : quand je voulais. Et puis cela m’a permis de rendre mon activité encore plus professionnelle en proposant les cours dans une salle particulière, chez moi —ce qui n’était pas possible en service à la personne, équipée d’une belle table, d’un tableau et de mon ordinateur. C’était effectivement le bon plan.

Voici la salle d’étude.

Pour trouver mes clients, suivant mon expérience de la ville, je me suis inscrite sur des sites d’annuaire pour cours particuliers pensant toucher les parents intéressés de cette façon. J’ai fait un petit blog pour expliquer mon activité aux parents qui me chercheraient sur internet. J’ai fait des cartes de visite. Et j’ai fait une pancarte que j’ai plantée devant ma maison. 80 % de ma clientèle m’a connue grâce à cette dernière ! Avez-vous retenu ce détail en lisant mon article ? J’avais déménagé en pleine campagne. Ici, c’est le bouche à oreille qui compte le plus, puis les pancartes que les gens voient sur leur chemin. Les jeunes passaient avec le bus scolaire juste devant chez moi, ils voyaient tous ma belle pancarte. Je créais, non pas le besoin, mais la solution à leur problème. Parents et jeunes attrapaient mon numéro de téléphone en passant, ou le récupéraient d’un ami qui leur disait : « Tiens, j’ai vu cette affiche en faisant du vélo là-bas, c’est pas loin. » 

Je ne sais pas si c’est universel, mais c’est un conseil que je vous donne : si vous comptez créer une activité en zone rurale, n’hésitez pas à investir dans une belle pancarte.

La première année, mon activité a eu un peu de mal à se lancer. Je ne connaissais personne, personne ne me connaissait, et ma pancarte n’avait pas encore bien étendue ses bras influents. Avec le travail de l’Explorateur, nous n’avions pas de souci matériel et j’en ai profité pour écrire mon premier roman. (L’avez-vous déjà lu d’ailleurs ? Si ce n’est pas le cas, n’hésitez pas surtout pas, il est super ^^) Pour la rentrée de l’année suivante, j’avais déjà 5 réservations ! Le temps avait fait son oeuvre, et les quelques élèves satisfaits de l’année passée m’ont bien aidée.

En retirant mes cotisations, je gagnais cette année scolaire entre 500 et 600 euros par mois. Ce n’est certes pas beaucoup mais pour un travail effectif de 10h par semaine environ, des tarifs très raisonnables pour les parents, je pense que ce n’est pas mal. J’ai refusé quelques élèves pour me garder du temps libre pour m’occuper de ma fille et rêvasser. Oui, je ne le cache pas, je rêvasse toujours beaucoup…

Mon travail avec les apprenants

Pour me former à la pédagogie et pour ne pas être en décalage avec ce que vivent les collégiens et les lycéens, je lisais beaucoup, j’ai commandé plusieurs numéros des Cahiers Pédagogiques, j’inventais des exercices originaux que je testais sur les élèves volontaires. Mes relations avec les jeunes qui venaient travailler avec moi étaient en général très bonnes. Il n’y a qu’avec trois d’entre eux que je n’ai pas bien réussi à travailler et je le mets sur le compte de mon inexpérience. Et puis j’ai eu d’excellente surprise. Des parents qui me disent que j’ai été d’un soutien formidable. Un petit mot de la part d’un jeune qui dit : « Vous êtes la meilleurs prof de français que je n’ai jamais eu. » De belles surprises qui donnent l’envie de continuer sur cette voie.

Lors de mes cours, je faisais autant de psychologie et de philosophie que de maths ou de français. J’ai rapidement remarqué que les difficultés des élèves déjà grands (collège ou lycée) ne sont pas seulement au niveau de la compréhension ou dues à une lacune, il leur manque souvent une attitude ou une liberté qu’ils ont oublié de prendre ou d’apprendre. Alors je verbalisais. Oui, je verbalisais énormément. Et d’entendre parler d’eux avec tant de sincérité et avec si peu de jugement les aidait énormément. C’est pour cela que m’est venu cette idée : si à l’avenir je reprends cette activité, je me formerais à l’hypnose auparavant. Il me manquait souvent beaucoup de compétences dans ce domaine pour aller jusqu’au bout des problèmes.

Faire de l’hypnose en cours ? Oui-oui, c’est une idée très sérieuse :-)

En prenant conscience de ce fait, j’ai peu à peu laisser tomber les programmes de connaissance que je pensais travailler avec les élèves (de toutes façons, je n’avais pas pour vocation de remplacer l’école) et j’ai beaucoup travaillé sur les états d’esprit que les élèves adoptent en travaillant, sur la notion de vitesse et de rythme, sur la façon de retenir et de faire travailler son corps pour apprendre… En tant que prof particulier, je ne travaillais pas sur la connaissance ou la compétence en elle-même, mais sur l’environnement de l’apprentissage que les élèves en difficulté n’arrivent pas à s’approprier. Et une fois que j’avais compris cela, j’ai trouvé une place légitime dans le triangle professeur - élève - parent. Je ne prenais la place de personne et j’étais utile.

Etre prof particulier a été pour moi une belle expérience. Un beau début dans la pédagogie, dans la relation avec les jeunes apprenants, qui mériterait d’être approfondie. Pour la suite de mon avenir professionnel, je ne sais pas encore si je compte devenir enseignante dans une école indépendante ou si je continue sur cette voie pour soutenir les élèves qui rencontrent des difficultés. Je compte profiter de l’année qui vient pour murir mes idées.

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La très petite école à la maison

J'ai une fille qui n'a même pas trois ans et qui me tanne avec l'école. Je ne sais pas d'où ça lui est venu. « Moi, je weu monter dans l'bus pour l'école. » Ca a commencé comme ça vers ses deux ans. Et puis, au fur et à mesure que sa parole s'est étoffée, il n'était plus possible de passer à côté du sujet. «  Nounou emmène moi à l'école Maman ? » Alors quand nous sommes passés à côté d'une école maternelle, je lui ai proposé d'aller voir. Nous avons regardé par les fenêtres, nous avons longuement observé les enfants qui jouaient dans la cours. Certains sont venus nous saluer à travers leur grillage. « Elle a quel âge ? Elle s'appelle comment ? Elle veut aller à l'école ? » Leur jugement fut sans appel et l'adorable l'a bien retenu : « Elle est trop petite pour venir. »  Dit par des enfants qui connaissent de toute évidence bien leur sujet, c'était irrévocable. Nous fûmes tranquilles un moment.

Et puis, la loutre grandissant, l'idée dans sa tête murissant, un jour j'ai entendu très très distinctement : « Maman, moi bientôt je suis assez grande pour aller à l'école. » Elle ne connait pas le futur (vous aurez peut-être remarqué ?) mais la notion du temps, des choses qui vieillissent grandissent et changent, commencent à toquer à sa conscience. Et c'est une idée qui tourne dans ses jeux. Les playmobiles s'installent dans leur voiture. J'entends des petites phrases du genre : « Le garçon est assez grand, il va à l’école avec sa maman. » (Je corrige ici ses erreurs de prononciation) Et cette révélation qui lui est venu petit à petit, elle me l’exprime régulièrement, à mon plus grand désespoir.

Car voyez-vous, à l'école, même assez grande comme elle dit, elle n'ira pas.

Déjà parce bon, c’est assez facile à comprendre, on va vivre dans un camion. On va se déplacer très régulièrement. On va être nomade un petit moment. Déjà il est bien difficile de faire entrer son enfant dans une école située à deux rues de plus que l’école à laquelle on est rattaché, il me semble absolument inconcevable que les écoles acceptent de recevoir une petite fille rien qu’une petite semaine pour ensuite la voir partir vers une autre ville. J’ai pas essayé de demander, c’est vrai, mais à vrai dire je n’y tiens pas beaucoup.

Il y a une autre raison. Nous avons décidé son papa et moi de faire l’école à la maison. L’instruction en famille, et d’organiser notre vie et notre carrière professionnelle avec ce paramètre. Ca, je l’ai maintes et maintes fois expliqué à la petite loutre. Peut-être pas très bien expliqué, parce que ce qu’elle voit, elle, c’est que tous les enfants vont à l’école. Elle ne comprend pas pourquoi elle en serait exclue.

D’ailleurs, si vous avez la référence d’un livre qui parle de l’école à la maison aux tous petits, je suis preneuse. Les livres disent la vérité, contrairement à maman dont la parole est (trop) souvent mise en doute. Ca m’aiderait beaucoup…

En pleine sortie scolaire pour apprendre le lichen, les crottes de lapin et le cycle de l’eau…

La petite solution que j’ai proposée à l’adorable ces derniers jours pour lui faire plaisir c’est de lui proposer de faire… l’école avec maman. L’adorable a donc un cahier de travail super beau avec des étoiles qui brillent sur la couverture, un porte mine rose fluo choisi par elle, un petit sac à dos et nous partons ensemble quelque part —dans le jardin, sur la banquette du camion lorsqu’il pleut, sur un chemin… quelque part quoi— et on fait l’école. C’est à dire qu’on fait exactement ce qu’on fait d’habitude mais ici dans un temps donné et officiel qu’on appelle l’école.

Voilà, on commence la très petite école à la maison.

Bon, alors, qu’est-ce qu’on fait dans cette école ? On dessine des fleurs et des bonhommes, on fait de la peinture. Maman propose des activités intellectuelles genre mettre les barres rouge et bleu dans le bon sens, lire quelques lettres, bien prononcer certains mots.

Alors, je me demande, on fait quoi à l’école maternelle ? J’espère qu’on ne passe pas à côté d’un truc méga super qu’elle aurait fait à l’école mais dont elle ne verra pas la couleur parce qu’elle reste avec nous. En ce moment, la petite loutre est en plein dans le langage. Elle veut accorder au passé, conjuguer le on, le nous, le vous. Comprendre une bonne fois pour toute cette histoire de il ou de elle. Elle ne cueille pas une fleur (Mais non maman ! Rho !) mais une pâquerette ou un pissenlit (^^) Mais compter, oh bof à quoi ça sert ? C’est juste pour lancer une course, non ? Deux trois quatre six partez ça suffit n’est-ce pas ? Ah mais les lettres, ça c’est super ! Le J c’est un parapluie mais le B une paire de lunettes, par contre je sais que c’est comme bébé et bateau. M-aman, P-apa, E… comme F-rançois ? — Merci les petits gâteaux au chocolat avec les lettres dessus, je ne pensais pas qu’on pouvait apprendre aussi vite !

Je trouvais qu’avant deux ans, l’instruction c’était vraiment facile. Maintenant que la petite loutre approche des trois ans, je me pose plus de questions. Je veux garder notre dynamique, apprendre naturellement, tous les jours, avec tout, mais… oui mais… je crains d’oublier certaines choses. Je crains de ne pas lui présenter ce qui aurait pu lui plaire. A l’école, le problème aurait été le même, c’est sur, mais ici c’est moi qui est responsable.

Cette responsabilité de l'instruction, je compte bien la surmonter, et avec plaisir et conscience. Je vois passer sous mes yeux des projets de loi, et d’autres trucs qui se passent au ministère de l’éducation. L’interdiction de l’instruction libre (euh… c’est pas un droit fondamental garant de la liberté d’un pays ?), les tests de compétences à l’égard des enfants instruits librement… Des petites choses par le nombre d’enfants concernés au final, mais des choses qui peuvent avoir des répercussions énorme sur la liberté globale de notre pays et donc, sur l’ensemble des enfants de la république, n’est-ce pas ?

J’observe ma fille et je vois ceci : Elle ne sait pas compter jusqu’à cinq mais connait plusieurs espèces de fleurs et d’oiseaux. L’instruction libre, c’est cela. C’est se dire que savoir compter c’est très important, c’est vrai, mais que toute la vie mérite d’être connue. C’est se dire qu’on ne va pas empêcher un enfant de connaître les différentes parties d’une fleur (pétales, tige, coeur, feuille,  bouton…) parce que les chiffres « C’est trop dur maman. » Et je sais que c’est ce qu’on fait pourtant avec les enfants à l’école. A l’école de la République je dis bien.

Qu’elles sont belles ses bouclettes !

Alors, oui, je campe sur mes idées. Elle n’ira pas à l’école. Elle apprendra autrement. Et j’espère qu’elle sera heureuse quand elle aura compris notre choix

(Ah ! Je hais l’accord des couleurs en français, ça me fait toujours trop réfléchir pour pas grand chose… Pour les barres, on accorde ou pas ? C’est qu’il y a bien deux couleurs distinctes, mais les barres sont à la fois rouge et bleu, il n’y a pas des barres rouges d’un côté et des barres bleues de l’autres… sans que c’est un outil qu’on peut regarder dans les deux directions. Et quand on regarde parallèlement aux barres, il y a bien rouges les nombres impairs et bleus les paires. Une galère à accorder ça !) 

14 commentaires:

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A bientôt !
Céline.

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