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Par où commence-t-on l’adulte ?

Le début de l'année 2017 approche et avec elle les 3 ans de notre petite loutre. Trois ans, c'est pour moi très symbolique puisqu'ils signent le début d'une looongue scolarité. Je suis pour ma part entrée à l'école à 37 mois et j'ai attendu mes 23 ans pour mettre fin à mon parcourt d'étudiante. Soit vingt ans sur les bancs des écoles avant que l'on me juge assez savante, avant que je m'estime assez mature, pour être lâchée dans la nature. Une telle durée me laisse à la fois perplexe et me rassure. Surtout que pour tous ceux qui entrent aujourd'hui les choses ne vont pas en s'arrangeant…

Autrement dit, pour former un humain, on peut facilement étaler le programme sur deux décennies. Evidemment, sur ces vingt ans, une partie ne sera quasiment plus sous l’influence des parents. Disons alors que pour rendre la loutre adulte, on a bien quinze ans de travail devant nous. Quinze ans pour la rendre autonome, confiante, épanouie, à l'aise dans son environnement, armée pour réaliser les projets qui lui tiennent à coeur. Pour le reste de sa vie. Fastoche ?

Je sais bien que tout ne reposera pas systématiquement sur nos épaules. Il y aura les bonnes ou les mauvaises rencontres, des événements de toutes sortes lui tomberont sur le coin du nez… tout un tas de trucs que la vie lui réserve sur lesquels je ne peux pas agir. Il faudra alors qu'elle trouve des forces, en elle, pour prendre ses propres décisions et profiter au mieux de chaque épisode de son histoire personnelle. C'est ce que j'appelle l'émancipation.

C'est bien là le rôle de l'école, de fabriquer des adultes émancipés. Emancipés parce qu'ils exercent une activité qui comble leur besoin. Emancipés parce qu'ils sont capables de réflexions, de participer à l'évolution de la société et de l'Etat. Emancipés parce qu’ils sont biens dans leur corps et leur esprit et qu'ils savent se tenir à l'écart des dangers ; qu'ils ont la force et le courage d'aider ceux qui en ont besoin et de se tourner vers ceux qui savent les soutenir.

Cette émancipation se travaille par l'instruction, le développement des capacités exécutives, la mise à profit des différentes intelligences et la connaissance de soi.

Pourquoi trois ans ?
Je n’ai pas attendu les trois ans de la loutre pour prendre soin de ces différents points et veiller au bon déroulement de son développement mais je vois bien que démarrer la scolarité des enfants à trois ans n'est absolument pas fantaisiste. Déjà, à presque trois ans, la petite loutre parle. Elle ne prononce pas très bien ses mots mais mon oreille est armée pour la comprendre. Elle parle, donc. Elle est capable de raconter des histoires, faire des blagues, poser des questions précises, s'exprimer sur ses sentiments, ses croyances… Cette parole acquise lui permet d'exister au delà de ce qu'on pense ou croit d'elle.

Depuis quelques mois, la loutre s'intéresse beaucoup à l'écriture. Elle repasse ce qui est écrit sur les paquets de céréales, ce que nous écrivons dans nos carnets, passe des heures sur ses cahiers d'écriture effaçables. Elle fait de plus semblant de lire et me demande souvent de lui lire le contenu des panneaux ou des étiquettes. La lecture et l'écriture sont deux portes grandes ouvertes vers l'autonomie. Lorsqu’on les maitrise, on peut s'instruire et travailler sur des domaines qui dépassent les connaissances de son entourage.

« Maman ! Ephippigère, il y a bien deux p ? »
En s'approchant méchamment des trois ans, nous avons remarqué chez l'adorable un élargissement monstrueux de ses capacités intellectuelles. D'un coup, en l'espace d'une semaine à peine, nous nous sommes retrouvés avec une petite capable de tout retenir, de tout comprendre, de tout s'approprier. Rien n'est ni trop flou, ou trop grand pour elle. Les volcans, les grottes, les hommes préhistoriques, les louvetiers, les espèces de coléoptères, les planètes, les matériaux… Elle s’essaye à tout.

Il y a quelques mois, je la voyais comme un entonnoir, voulant tout absorber de la vie courante. Maintenant c'est un peu comme si un filtre de cet entonnoir s'était ôté, laissant ainsi passer ce qu'elle ne peut ni voir ni toucher. L'invisible et ce qui ne la concerne pas personnellement commencent à l'intéresser.

Le formel et l'informel
A cet appelle de connaissance là, nous répondons souvent de manière informelle, en discutant avec la petite loutre au cours de la journée, en lui faisant part parfois de nos propres recherches. Nous avons je crois un quotidien très riche en découvertes parce que nous changeons toujours de milieux et que nous passons 80% de notre temps à visiter, explorer et observer.

Sans crier gare, la voilà qui comprend devant quoi il ne faut pas mettre ses doigts,
et à quoi servent les boutons du zoom… !
Ceci ne m'empêche pas de préparer de temps en temps quelques petits cours. Rien de bien compliqué ici, je sélectionne simplement des images sur Internet sur un thème particulier que je présente ensuite à la petite loutre. C'est le moment pour nous de voir les choses de façon plus globale. Nous avons ainsi discuté des différentes éruptions des volcans, du système solaire ou de l'enchaînement des saisons. J'ai également fait imprimer quelques photos avec des légendes pour travailler sur un vocabulaire précis à la manière des cartes de nomenclature de la pédagogie Montessori.

Cette manière d'apprendre au fil des questions de chacun et au gré de nos rencontres me parait très naturel et plait à l'adorable. Malgré tout, je me demande souvent où cela va nous mener. Va-t-elle, par exemple, apprendre un jour à compter ? Elle est restée pendant des mois bloquée au niveau du 2, nous voyons tout de même apparaitre dans son langage des nombres de plus en plus grands. J’ai surpris un 6 lorsqu’elle comptait ses autocollants. Puisqu’elle n’est pas très pressée dans ce domaine, nos introduisons très doucement la notion d'ordre, de quantité et la symbolique des nombres. L'amatrice de mathématiques que je suis, trépignerais presque !

La liberté de programme
Cette liberté et cette profusion de connaissances que nous offrons à l'adorable, aussi bien en large (du fond de la Terre à l'espace) qu'en précision (savoir dire éphippigère plutôt que sauterelle) m'effraient autant qu'elles inquiètent nos parlementaires.

Si nous voulons continuer ainsi au delà des six ans de la loutre, il faudra se plier aux inspections de l'académie. Entre l'éducation nationale et moi, il existe une question sur laquelle ma réponse n'est pas arrêtée tandis que pour l'EN il n'y a même pas à en débattre : jusqu'où peut-on diriger les savoirs des enfants ?

Sommes-nous en droit d'exiger d'eux qu'ils s'intéressent à la grammaire, à l'histoire des rois de France, ou simplement à l'artère aorte ? A quel âge faut-il qu'un enfant sache que le dauphin n'est pas un poisson ? Quand n'est-il plus normal d'ignorer qu'après le million il y a encore des nombres, ou qu'entre 1 et 2 il s'en cache tout autant ?

Il y a ici une responsabilité que je ne veux pas prendre, non pas par couardise, mais par respect. Je ne sais pas exactement de quoi la vie de ma petite loutre sera faite, je ne me vois pas lui imposer certains savoirs au détriment de ce qui l’inspire, parce que « c’est le programme ». Une connaissance, un savoir faire, peut être un outil ou une passion mais certainement pas une manière de juger un être humain et son droit à continuer à apprendre.

J’ai en fin de compte une vision très individualiste de l’instruction : donner les moyens à un être d’exercer ce qu’il est. Mais cette individualité se veut profondément au service de la société. Je crois que lorsqu’on s’est compris et qu’on a de quoi pleinement se vivre, on ne peut qu’être émancipé.

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A bientôt !
Céline.

La Terre du Milieu

Notre aventure est avant tout une histoire de voyage, nous vous devons donc un petit résumé de nos pérégrinations.

Les Gorges du Cher

Le Cher au petit matin
Quand on a vécu quelques temps à Bourges, le Cher on connait et ça fait pas très glamour alors les gorges du Cher… ça fait pas forcément rêver. En plus c’est à côté de Montluçon et tout ce que je connaissais de cette ville c’était la chanson qu’en avait fait Mickey3D.

Et bien figurez vous que ça vaut le coup d’être curieux, c’est magnifique ! Un petit coin de paradis. 

Le chemin menant au gorges descend doucement.
Une passerelle et un pont on été construits pour faciliter la visite, le Cher se ballade tranquillement entre les parois de granite, c’est super calme comme coin. Sur les parois de granite justement, on pourra trouver une via-ferrata et… des falaises d’escalade. Ce fut pour moi l’occasion de faire découvrir cette roche à mes petits doigts. C’était une bonne entrée en matière, j’ai eu la chance de tomber sur des locaux qui m’ont fait découvrir quelques belles lignes. 

Un des secteurs coriace des gorges, Chipie et ses grosses traces de magnésie.
Le mur d’intérieur sur lequel je m’entrainais faisait 7m, premier constat : je peux grimper du 7b mais seulement sur 7m50. C’est un peu ridicule mais ça donne des idées d’entrainement.En tout cas, si vous passez par là, arrêtez-vous aux gorges du Cher, c’est à Lignerolles et c’est splendide. 

Le pays des volcans

La Loutre était briefée: avant la mer on passe par les volcans. On les sentait approcher avec la source chaude et soufrée de Chateauneuf-les-bains et ils ne nous ont pas déçus. J’étais venu plusieurs fois dans le massif central mais jamais je n’avais eu l’impression de me promener ainsi au milieu de géants. Peut-être que cela est dû à l’itinéraire que nous avons emprunté, à savoir les petites routes en blanc sur le guide michelin ; ou bien peut-être les avons nous abordés par leur bon profil. Quoi qu’il en soit nous étions scotchés alors qu’Enora ne cessait de nous demander où était ces fameux volcans (je crois qu’elle s’attendait à plus d’effets pyrotechniques).Nous avons passé une après-midi sur le site de bloc de Cournols. Les blocs se dressent comme des Moaïs au milieu d’une grande prairie verte, c’est un endroit sympa avec une vue dégagée sur les collines alentours.


La roche c’est toujours du granite, toujours aussi dur. Je cicatrise vite mais on ne m’appelle pas encore Wolverine. Après 1 ou 2h d’acharnement sur des prises bien râpeuses je dois me rendre à l’évidence : c’est mieux de s’arrêter quand on a des trous dans les doigts.


La Vallée de Chaudefour


Impossible de s’approcher du massif central sans s’y arrêter. La vallée de Chaufour est magique. On dirait un décors sortie du Seigneur des Anneaux. 

Ici c’est le début de la marche d’approche pour la dent.
Je ne suis pas le seul à vouloir "trop grimper sur le rocher des adultes".
On marche dans une herbe grasse entouré de montagnes de tout coté. 

On se console avec ce qu'on peut! 
Je l'ai un peu aidé à trouver le chemin des cimes.
C'est un super terrain de jeu ce "verger".
Le fond de la vallée ressemble à un grand verger, des sources ferrugineuses laissent de grandes trainés rouges dans les torrents et on peut apercevoir la cascade de la biche avec ses orgues volcaniques et son rideau de pluie.

Une des multiples sources ferrugineuses et pétillantes.
Bien sûr il y a aussi la dent de la rancune qui continue à me narguer et qui commence à bien porter son nom ! C’est une ancienne chambre magmatique (plutôt un dyke en fait mais passons) que l’érosion a découverte.

C'est évident que ça a été laissé là pour être grimpé.
On peut la grimper par toutes les faces pour peu qu’on ait un partenaire, du matou et de bonnes conditions météo. Je suis maintenant allé 3 fois à son pied et à chaque fois il me manquait une des conditions. La prochaine sera la bonne.

En route vers le sud

Nous avons continué notre ballade parmi les volcans quelques temps, puis, après 1 ou 2 nuit en dessous de 0°C on s’est décidé à reprendre notre route vers le sud. 

Petite ambiance matinale.
Nous avons séjourné à Nescher, un village qui semble figé dans le temps tant ses rues sont étroites et ses panneaux de signalisation dépassés (c’est le seul village que nous ayons traversé dans lequel un panneau indiquait qu’il était interdit de trotter dans le bourg). Le Broc nous a offert un levé de soleil inoubliable et nous sommes finalement arrivés à Saint-Just, un autre site de bloc, encore et toujours en granite, au sud du viaduc de Garabit, en plein Gévaudan.

La surprise du Broc

Saint-Just

Cette fois le granite je commence à connaître. Bon quand ça glisse ça enlève toujours des morceaux mais je me suis habitué à ce gros grains froid si particulier. Je crois que j’ai réussi tout ce qui était à ma portée. Le reste est un cran au dessus.

2 petits blocs bien sympa dans ce toit.
Visiblement des énervés sont passés dans le coin. Il y a au moins 5 blocs où je n’ai même pas réussi à décoller les fesses.
A Saint-Just on a eu de la chance, déjà le cadre était très reposant (contrairement aux blocs) et grâce à l’aimable invitation du propriétaire des lieux, nous étions installé dans un petit bois bien tranquille à deux pas des rochers.

Cette photo vous est fièrement présenté par notre Loutre.
Une fois que mes doigts étaient usés nous nous sommes remis en route vers Aurillac en passant par le Cantal mais ça se sera pour une autre fois.

A bientôt.
Carlat, dans le Cantal et bientôt sur ce blog…

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Céline.

Le gouffre de Padirac


Même sous la terre, le monde continue de tourner. C’est comme lorsqu’on se découvre un nouveau muscle le lendemain d’une journée riche d’un mouvement nouveau. La courbature incongrue nous ouvre les portes vers une nouvelle connaissance. C’est comme lorsqu’on traverse une ville dont on n’a jamais entendu parler et qu’on y voit de l’activité. Mais comment tous ces gens ont-ils su que ça se vivait par ici ?

Même sous la terre, le monde continue de tourner. Et ma conscience s’ouvre un peu plus. Je mets toutes mes connaissances au service de ma conscience, toujours. Je ne sais pas si c’est un comportement commun, il me convient bien. Ce que j’apprends enrichit mon regard aveugle et mon écoute des odeurs. Je désintellectualise tout pour l’apprendre avec un esprit qui ne pense pas.

Même sous la terre, le monde continue de tourner. Chaque formule, chaque nom scientifique, chaque geste technique, chaque explication participent ainsi à ma sensation de l’Univers. C’est dans cette dimension mystique, quand ce qui m’est personnel et l’universel s’entremêlent sans chercher à se reconnaître, que les associations se font. Tout se permet. L’imaginaire sans volonté au service des réalités.

Même sous la terre, le monde continue de tourner. J’ai vu une vallée se creuser à l’abri du regard du soleil. J’ai senti la panique de quelques hommes lorsque la lumière, soudain, s’est éteinte dans l’eau froide de la rivière. J’ai entendu furtivement le feulement d’une échelle de temps qui ne me regarde même pas. J’ai gouté l’eau éclairée et son reflet sur les stalagmites. J’ai su que ma conscience était fine, mais si fine que le monde ne peut à peine y glisser un petit doigt.

Même sous la terre, le monde continue de tourner. Je ne saurai pas vous décrire le phénomène, je ne sais même pas s’il est vrai. Comme lorsque j’entre dans une pièce et qu’une vague piquante de sentiments m’éclabousse le visage. Qu’est-ce que j’imagine ? Qu’est-ce qui est vraiment ressenti, par les autres, par moi ? Qu’est-ce que je suis bien capable de comprendre et qu’est-ce qui m’échappe encore parce qu’il m’échappe encore ? (On ne sait pas ce qu’on ignore.)

Ce monde qui continue de tourner, même sous la terre, même partout et de mille façons différentes, à mille échelles, à mille temps incomparables, c’est une fractale beauté. Qui me touche à chaque fois autrement.

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Vous faites comment ?


Cela fait maintenant plus de trois mois que nous vivons dans notre petit camion et je tiens à vous dire que cette vie-là nous convient très bien. C’est un plaisir pour moi de l’écrire ici car je suis certaine de ne pas me prendre en réponse le moindre « Oh, moi, je ne pourrais pas ! » Non mais franchement, qu’est-ce que je peux dire après ça ?

J’ai tenté plusieurs petites phrases pour répondre à cette réplique et je me tâte bien à créer ici un sondage pour que vous m’indiquiez laquelle est la plus appropriée.
Il y a la simple : « Moi ça va. » mais qui ne relance pas plus l’échange que ça.
Il y a la curieuse : « Pourquoi ça ? » où vous êtes sûr à 80 % de recevoir une réponse bidon du genre la télé, le traintrain ou l’aspirateur.
Il y a l’agacée : « Décris-moi donc ta vie, que je te dise si moi je pourrais tenir une journée… » (en vrai, j’ai jamais osé répondre ça mais je le pense souvent)
Il y a aussi la réponse désabusée : « On a tous des vies différentes vous savez. » mais allez savoir ce qu’on entend vraiment pas là ?

A chacun son chemin

Ce n’est pas tellement que je remets en cause le fait que tout le monde ne pourrait pas vivre de cette façon, c’est juste que cette phrase est dite avec tant d’empressement qu’il est évident que la personne n’a pas réfléchi une seule seconde à ce que cela signifiait. C’est une récitation. Un truc appris, implanté ; puis répété. Et l’énergie que je dois dépenser pour rallumer les modes « empathie » et « réflexion » chez mon interlocuteur me fatigue profondément. Faites gaffe, je vous le dis. Ca peut arriver à tout le monde ce genre de phrases, dès qu’on rencontre quelqu’un qui a une vie un peu différente. Et c’est épuisant.

Je vois deux axes pour réfléchir à la façon dont vous pourriez ou non vivre selon le même mode que nous : il y a déjà l’aspect matériel des choses, puis l’aspect culturel. Je compte bien aborder ces deux points dans ce blog et il me semble plus pertinent de commencer par l’axe matériel, histoire de nous mettre dans le bain avant de voir la suite avec vous.


Le milieu
Notre camion est un lieu étroit et mobile qui se ballade principalement dans la campagne française. L’ensemble de nos solutions et contraintes matérielles sont dirigées par ces deux caractéristiques : le manque de place et le fait que nous changeons de lieux très régulièrement.

Très vite, vous vous apercevrez qu’effectivement vous ne pourriez pas faire comme ça si vous ne vivez pas également dans un lieu étroit et mobile. C’est une chose qu’on oublie très souvent : notre mode de vie dépend énormément de notre milieu. Vous changez de ville, vous changez de comportement. Vous changez de maison, vous changez d’habitude. Vous changez de mode de vie, vous changez automatiquement toutes vos façons de faire. Mais vous ne changez jamais vos besoins essentiels (se laver, manger, dormir…). Il est absurde d’essayer de calquer un mode de vie qui ne correspond pas au milieu.


L’électricité
Il est évident que notre camion n’est ni relié à un réseau d’eau courante, ni approvisionné en électricité par RTE. Il faut donc que nous trouvions ces deux ressources au sein de notre environnement.

Pour l’électricité, c’est le plus simple. Notre camion, comme tous les moteurs des véhicules, dispose d’un alternateur ainsi que d’une batterie qui stocke cette énergie. L’alternateur étant actionné par le moteur, il nous paraissait peu confortable de n’avoir à compter que sur celui-ci pour obtenir de l’électricité. C’est pour cela que nous avons fait l’acquisition d’un petit panneau solaire qui fonctionne du tonnerre. Nous avons deux batteries. L’une est réservée au fonctionnement du camion (phares, moteur, voyants) et l’autre à notre usage domestique (ordinateur, musique, pompe à eau, éclairage). Le courant électrique au sein de notre camion est intégralement continu avec un potentiel de 12 V.

Dans une maison, puisque l’électricité est délivrée sous forme de courant alternatif, la plupart des appareils électriques fonctionnent sur ce mode. Pour notre camion, l’équipement est différent puisque nos appareils doivent être conçus pour être branchés sur du 12 V. C’est le cas de notre pompe à eau, de l’éclairage (pour les led, nous avons simplement mis le transformateur à la poubelle ^^) ou de notre clef 4G. Pour la recharge de mon ordinateur (une batterie, donc en courant continu) nous avons été moins malins puisque nous avons un convertisseur qui transforme le courant continu de notre camion en courant alternatif 230 V, sur lequel nous branchons le convertisseur courant alternatif - courant continu (15 V) de mon ordinateur… Ce système n’est vraiment pas optimal, j’en conviens.

Autre contrainte : notre consommation électrique doit être mesurée. Là, nous faisons attention à la puissance des appareils que nous envisageons de brancher. La puissance est indiquée en W. Pour avoir quelques ordres de grandeur, notre panneau solaire a une puissance nominale de 120 W (suivant la météo ou la température, la puissance délivrée est plus faible), notre convertisseur ne peut pas délivrer plus de 600 W, le chargeur de mon ordinateur peut monter jusqu’à 60 W et nos lumières font environ du 10 W. La plupart des appareils ménagers sont de l’ordre du 1000 W, donc on oublie immédiatement l’aspirateur ou le sèche-cheveux, ce n’est pas du snobisme c’est mathématique.

Nous sommes également attentifs à l’autonomie de notre batterie. La quantité d’énergie qu’elle peut délivrer est de 840 Wh. Je vais faire un petit calcul avec vous pour que vous compreniez bien. Les chauffages électriques généralement vendus dans le commerce ont une puissance de 2000 W, pour un petit de salle de bain j’en ai vu de l’ordre de 500 W. Si je prenais ce genre de petit radiateur, il pourrait idéalement fonctionner dans mon camion 1h40min et il faudrait que mon panneau solaire fonctionne 7 heures pour récolter l’énergie nécessaire.

Plus raisonnablement, mon ordinateur possède une batterie de 5Ah, ce qui représente 7 % de la capacité de la batterie cellule de notre camion. Mais avec notre système un peu bancal de convertisseurs, je pense que les pertes sont assez importantes pour qu’une recharge de mon ordinateur représente plutôt 12 % de la capacité de la batterie du camion.

On ne calcule pas à chaque fois que nous branchons un appareil, rassurez-vous. Nous prenons simplement des équipements peu gourmands (donc, pas de chauffage électrique par exemple, ni de TV) et le tour est joué.


L’eau
Nous utilisons l’eau pour boire, nous laver, faire la vaisselle et cuisiner. Nous distinguons deux types d’eau : l’eau potable et l’eau non-potable. L’eau potable est celle que nous trouvons dans les villes aux robinets publics ou chez nos amis. L’eau non potable peut être de l’eau de rivière, l’eau des fontaines non surveillées, ou simplement l’eau de la pluie.

eau gazeuse ferrugineuse au soufre de la vallée de Chaudefour

Notre camion possède un réservoir de 50 L destiné uniquement à l’eau potable. Pour éviter les contaminations, cette eau est généralement renouvelée toutes les semaines et de plus nous traitons le réservoir environ une fois tous les deux mois avec des pastilles appropriées. Les traitements utilisés pour potabiliser l’eau ne sont généralement pas très bons à la santé. Je suis certaine, par exemple, que vous n’aimeriez pas recevoir de l’eau trop fortement chlorée. En même temps, je n’ai absolument pas envie de me faire infectée par une bactérie ou un virus tarabiscotés ! Il y a alors un équilibre délicat à trouver.

C’est peu fiable, mais nous nous appuyons sur notre gout.


Les eaux usées
Nous avons également deux types d’eaux usées : celles dangereuses pour l’environnement (celles qui contiennent du dentifrice par exemple) et celles relativement non dangereuses que l’on verse dans l’herbe. Les eaux usées nocives sont récoltées par le biais d’un robinet dans un réservoir d’eaux usées puis versées dans des lieux appropriés destinés aux camping-cars.


La vaisselle
Il n’y a évidemment pas de lave-vaisselle dans notre petit camion, on fait donc comme toutes les personnes qui n’ont pas de lave-vaisselle non plus chez elle. Nous mettons un peu d’eau dans une bassine, nous lavons à l’aide d’une éponge et d’un peu de savon de Marseille et puis nous rinçons avant d’essuyer le tout avec des chiffonnettes en microfibres. Il nous arrive de laver la vaisselle à l’eau non potable lorsqu’elle nous parait assez sûre (rivière très claire des montagnes, ou fontaine au milieu d’un village) mais cette idée me déplait assez. Oui, je me méfie beaucoup des infections microbiennes…

La vaisselle de ce matin qui m’attend…


La toilette
Au commencement de notre voyage, je pensais pouvoir utiliser une douche solaire. On m’en avait dit le plus grand bien. Il se trouve que la douche solaire n’est pas du tout adaptée à notre organisation pour plusieurs raisons. Il est vrai que l’eau chauffe très facilement dès que la douche est posée au soleil, ceci dit elle ne reste pas chaude. Moi qui ai toujours été habituée à avoir un ballon d’eau chaude dans ma maison, c’est un détail qui m’avait complètement échappé. Dès que le soleil s’absente (parce que la nuit tombe, ou que l’ombre touche la douche), l’eau redevient froide. Si bien qu’il faudrait se doucher dès que l’eau est chaude —c’est à dire au milieu de l’après midi— donc pas du tout au moment où j’ai besoin d’une douche. Ce premier soucis pourrait être corrigé si je décidais d’envelopper la douche dans une couverture isolante mais il existe un autre inconvénient auquel je n’avais pas pensé : une douche consomme toujours beaucoup d’eau et il est hors de question d’utiliser l’eau potable de notre réserve (vitale !) pour se doucher. On peut être très économe en eau, il faut quand même une dizaine de litres afin de se mouiller puis de se rincer. Surtout lorsqu’on décide de se laver les cheveux. Et dernier inconvénient majeur : il faut aussi trouver un lieu isolé, non ventu, (chaud ^^), mouillable pour se doucher car, effectivement, notre camion n’est pas équipé d’un bac de douche…

Bref : si quelqu’un veut une douche solaire, il n’a qu’à se mettre sur notre chemin (il pourra regarder notre carte intéractive pour se faire), je lui offre.

Nous utilisons donc pour la toilette une technique beaucoup plus rudimentaire. Je fais bouillir un fond d’eau sur le gaz que je mélange à une petite quantité d’eau fraiche dans une bassine. Puis, à l’aide d’une petite lingette faite sur mesure par Dame Ambre, je me lave à l’intérieur du camion. Je rince la lingette plusieurs fois afin de retirer les traces de savon. Et voilà : propre !

Sinon, il y a aussi la solution « trouver des copains pour squatter leur douche » très très efficace.


Le lavage des cheveux
Dans un article précédent, je vous avais parlé du savon de Marseille pour le lavage des cheveux, seulement au fil du temps j’ai remarqué qu’il était difficile de bien le rincer. De plus, le rinçage réclame beaucoup d’eau.

Inspirée par un article de Pidiaime, j’ai décidé de tenter le lavage au bicarbonate. J’y voyais de nombreux intérêts :
1/ puisqu’il peut s’utiliser en shampoing sec, à la limite, même si mes cheveux sont peu mouillés, ça marche (contrairement au savon de Marseille qui a besoin d’eau pour être efficace)
2/ puisqu’il peut s’utiliser en shampoing sec, à la limite, s’il est mal rincé, ce n’est pas grave puisqu’il part au brossage.
3/ il se dissout dans l’eau tiède, quand il n’est pas dissout il tombe au fond de la bassine.
4/ c’est pas cher et il peut avoir plusieurs utilités dans la vie de tous les jours (comme aider au brossage des dents)

Je procède donc de la façon suivante. Je fais chauffer un peu d’eau que je mélange à de l’eau froide afin d’obtenir de l’eau tiède —j’ai beau vivre dans un camion, je suis assez frileuse— avec laquelle je mouille rapidement mes cheveux. J’utilise un verre pour faire couler plusieurs fois l’eau sur mon cuir chevelu. Dans une petite tasse, je mouille un peu de bicarbonate que j’applique sur mon cuir chevelu. Je masse légèrement. J’attends un peu. Je rince le tout en faisant couler l’eau sur ma tête à l’aide du verre. L’eau de la bassine blanchit au fur et à mesure qu’elle devient saturée en bicarbonate mais je n’ai pas besoin de la changer puisque de toutes façons le bicarbonate qui resterait dans mes cheveux part au vent.

Et voilà ! Mes cheveux sont vraiment très propres et assez facile à coiffer. Quand je suis coquette, je change l’eau au bicarbonate pour un peu d’eau vinaigrée.


Les toilettes et les règles
Nous n’avons pas de WC chimiques dans le camion, cela prend trop de place et le côté chimique nous repoussait beaucoup. D’autant plus que, comme les eaux usées, il faut les évacuer dans des lieux appropriés. Déjà, les eaux usées, je vous raconte pas, c’est profondément dégueu… alors les WC, j’ose pas imaginer !

Pas de toilettes sèches non plus, toujours pour notre histoire de place.

Nous avons opté pour les WC publics et un petit pot pour bébé que nous utilisons tous. Nous jetons le papier dans la poubelle ménagère et les pipis et les cacas dans l’herbe lorsqu’on est dans un lieu vaste et isolé.

On peut faire tranquillement pipi avec une vue imprenable

Au sein du camion, il n’y a que moi qui suis concernée par cette histoire de règles. Avant de partir, j’avais en tête deux alternatives : le flux instinctifs et la moon cup (je sais, c’est comme sopalin, je cite le nom d’une marque au lieu de dire « essuie tout » mais le nom officiel me déplait). J’ai rapidement testé la première technique mais en fin de compte elle ne me convenait pas du tout car elle oblige à l’utilisation régulière de toilettes et de papier pour s’essuyer. J’ai ainsi opté pour la moon cup. Je n’ai besoin de la nettoyer que deux fois par jour, c’est très peu salissant, un peu d’eau suffit amplement. De plus, cela prend très peu de place et ne fait aucun déchet.


Les déchets, justement
Je vais tout de suite vous parler des déchets car je vois en écrivant mon paragraphe sur la moon cup qu’il y a un point important ici qui n’est pas évident à envisager. Les déchets, c’est notre problème numéro un. Voilà pourquoi, au delà de mon confort personnel, je n’ai pas envisagé les solutions tampons ou serviettes pour mes règles.

Si je ne me trompe pas, l’humain est le seul être sur Terre qui produit des déchets, c’est à dire des matières dont personne ne veut. Et quand je vois tout ce que nous jetons dans notre petite famille qui consomme quand même très peu (par manque de moyens, de place, etc), il y a là beaucoup de travail à faire !

Nous ne sommes encore pas suffisamment organisés pour trier/recycler/composter/absenter l’ensemble de nos déchets, je vais donc vous exprimer ici non pas nos solutions mais les problèmes que nous rencontrons sur ce volet. Peut-être que vous aurez des idées à nous proposer d’ailleurs ?



Diminuer les déchets

Pour diminuer les déchets, c’est très simple : il suffit d’acheter des trucs non emballés, c’est à dire en vrac. Le vrac se trouve très peu dans les grandes surfaces traditionnelles, il faut se rendre dans les magasins bio. Tous les magasins bio ne se valent pas (certains ne proposent d’ailleurs même pas de vrac) et dans certains coins de France, il n’y en a d’ailleurs même pas. Jusqu’ici, nous avons, mis à part pour les fruits et les légumes évidemment, quasiment pas eu accès au vrac.

Une poubelle qui attend de trouver son container.


Trier pour le recyclage

Dans certain département, le ramassage du recyclage ne se fait qu’à partir de containers individuels. Il n’y a pas de lieux de tri ouverts à tous. Il faudrait alors demander l’aimable autorisation d’un autochtone pour récupérer notre poubelle de tri et la présenter lors du ramassage hebdomadaire. Jusqu’ici, nous n’avons encore pas osé. Lorsque c’est possible, nous laissons simplement les emballages dans le magasin qui nous les a à l’instant vendus, mais rien ne garanti qu’ils trient comme nous l’aurions fait.

Ceci dit, nous mettons peu à peu en place au sein du camion, une vraie poubelle de tri afin de pouvoir la jeter dans des containers ouverts au public ou… demander de l’aide à une personne bienveillante.


Les compotes

J’ai une fille qui adore les compotes, et encore plus lorsqu’elles sont en gourde. Je lui ai toujours refusé cette présentation, prétextant qu’on ne pouvait pas les recycler. Excuse bidon lorsque l’on sait à présent que jusqu’ici nous ne trions même pas les pots de yaourt…

Je me suis alors penchée vers les gourdes réutilisables sauf que bon, pour remplir ma gourde même réutilisable, j’ai besoin d’une compote, j’aurais donc l’emballage correspondant. Oui, nous n’avons pas encore de verger dans le camion, je ne me vois pas acheter des pommes pour en faire moi-même dans notre petite cuisine. Puis, se pose toujours la question du nettoyage de la gourde réutilisable… enfin, tout ça pour dire que pour moi, ce n’est vraiment pas le bon plan.

Et puis mon amie Ambre m’a signalé qu’il existait en France des points de ramassage de gourdes à compote. Mon plan est donc le suivant pour les jours qui viennent (et cela nous fera un entrainement pour le reste des tris que nous devons faire) : garder toutes les gourdes et ajouter un point de ramassage à notre itinéraire. J’ai une petite loutre très gourmande qui me réclame « juste une compote maman » toutes les deux heures maintenant :-)


Et pour la nuit ?
Pour la nuit, nous déplions deux lits. Un pour l’Explorateur et moi, l’autre pour la loutre. Et nous nous couvrons sous des couches de couettes, duvets et couvertures. Nous utilisons notamment la génialissime couverture Gurli qui nous vient du très renommé magasin Ikea, il n’existe pas de couverture plus chaude et plus légère à mon sens ! Je n’ai pas essayé toutes les couvertures du monde, mais celle-ci vaut le détour, croyez-moi. Ainsi, la température ambiante est de 0°C, celle de nos lits avoisine les 20°C. C’est assez confortable.


Quoi ?? 0°C ??
Oui, sans blague, on s’adapte très vite. Nous n’avons aucun problème de santé il suffit alors de nous bouger un peu le matin pour nous réchauffer (ou envoyer l’Explorateur faire un thé, histoire de remonter la température du camion vers les 19°C, pendant que vous rêvassez sous la couette). La loutre aujourd’hui ne voulait même pas mettre ses baskets et désirait rester en sandales. « Parce que maman, il ne fait pas froid aujourd’hui. » Voyez-vous cela… ?!

L’Explorateur, celui qui n’a JAMAIS froid

Notre camion étant très petit, une casserole sur le feu suffit à le chauffer de façon très confortable mais la chaleur ne reste pas très longtemps à cause du toit ouvrant qui n’est absolument pas isolé. Je craignais beaucoup que le froid me fatigue et me décourage rapidement. Cependant, le froid tel que nous le vivons dans le camion, est toujours accompagné d’une telle liberté, de paysages grandioses, d’une sérénité à faire pâlir un prof de méditation, que non, il ne fatigue pas, il ne décourage pas, il est plutôt facile à vivre jusqu’ici.

Petite vue de l’un de nos matins à la fraiche

Je me souviens d’avoir eu froid dans l’appartement que j’habitais avant de partir. L’air passait dans l’encadrement de la fenêtre, je lisais juste à côté. Rien n’arrivait à me réchauffer. Le froid est difficile à vivre dans une maison, parce qu’il lui est aliénant. Une maison ne devrait pas être froide. Les courants d’air l’hiver sont désagréables, on tente de tout calfeutrer, on s’enferme dans la maison pour espérer y rester au chaud. Dans le camion, notre attitude est différente. Si nous avons trop froid, nous nous lovons dans une couette et nous buvons un petit thé. Juste le temps de reprendre des forces et de repartir !

L’humidité, c’est une autre histoire. L’humidité, c’est un petit calvaire. Mais nous slalomons entre les gouttes, c’est l’avantage du nomadisme ;-) !


Je pense vous avoir décrit avec suffisamment de précision notre vie de tous les jours et sans y penser j’enchaîne avec l’aspect culturel des choses… Je développerai dans un prochain article !

19 commentaires:

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A bientôt !
Céline.

La coupe pleine en voyage

J’ai longtemps pensé que voyager avec un petit bout d’entre deux ou quatre ans était vraiment facile, par là j’entends « peu contraignant ». Cette croyance était de plus confirmée par les on-dits. « Vous avez raison de partir maintenant, à cet âge, ça suit partout sans problème. Pas de copains, pas d’école, pas de couches, pas de biberons, une sieste par jour… » Et puis mon expérience et les expériences d’autres parents m’ont montré que ces petits bouts ont un besoin qu’on néglige régulièrement. J’appelle cela le besoin de vivre sa vie.

Source photo - Voilà comment sont parfois nos petits en voyage…
Lorsqu’on voyage une ou de semaines, selon les enfants, il est possible de ne pas remarquer qu’il leur manque quelque chose mais pour nous, qui faisons du voyage notre quotidien, il n’était absolument pas possible de passer outre. Cela s’est vu très vite chez notre petite loutre. Elle est d’ordinaire très calme et très conciliante, curieuse, pose beaucoup de questions à tout va (je crois qu’elle a appris à parler juste pour pouvoir nous dire « pourquoi » !) et surtout a une capacité de concentration que je juge exceptionnelle : elle peut rester concentrer sur une activité 30 min à 1 heure en fonction de sa motivation ! Le pied pour un parent lorsqu’il veut faire quelque chose. « Tiens, et si tu travaillais un peu ma loutre ? » Comment gagner trente minutes de tranquillité absolue facilement. Sauf qu’au début de notre route, elle ne se ressemblait plus du tout.


C’est quoi le problème
Un enfant à qui le rythme du voyage ne convient pas devient fatigué pour un rien. La nuit ou la sieste ne suffisent plus à le reposer. Il parle assez peu, ou seulement pour dire des bêtises. Il ne veut plus rien faire. Il traîne des pattes. N’est plus intéressé par ce qu’on lui présente. N’arrive même plus à s’intéresser à ses propres jeux ! Il est très excité, n’écoute plus ce qu’on lui dit. Le mot qui me vient pour qualifier cet état est sur-stimulé. Lorsque je voyais la petite loutre dans cette disposition, j’avais l’impression que sa coupe de nouvelles connaissances à digérer était pleine à raz-bord et que chaque petite chose que les événements rajoutaient la faisait souffrir.

Par hasard, j’ai eu une de mes anciennes voisines au téléphone. Ils avaient depuis peu terminer six mois de road trip en Europe. Parents et enfant de 3 ans avaient sillonné l’Europe de l’est à la découverte de villes et de paysages fantastiques. J’ai profité de cet appel imprévu pour l’interroger sur le bon déroulement de leur voyage.
« Oh, c’était assez difficile avec le petit… Je crois qu’il en avait marre de ne pas voir assez d’autres enfants et de nous suivre partout. »
Il y a un article très bien écrit sur le blog de Baby Factory (je vous en conseille la lecture) qui parle de ce mal de voyage.
Suivant leur tempérament, nos petits bouts peuvent très vite vivre le burn-out du voyageur.


Qu’est-ce qu’on a fait d’affreux
Dès le début de notre route, nous nous sommes aperçus que la vie dans le camion représentait pour notre petite loutre une énorme perte d’autonomie. Lorsque nous vivions dans un appartement, tous les placards lui étaient accessibles. Je m’étais arrangée pour qu’elle puisse ouvrir les portes dès son plus jeune âge (avec un astucieux système de rallonge en ficelle, pour ceux que ça intéresserait, demandez !). Elle pouvait se coucher dès qu’elle en éprouvait le besoin, son lit étant posé au sol. Ses jeux et ses livres étaient toujours à sa hauteur et elle avait accès à l’eau et au frigidaire sans jamais avoir à demander la permission à quiconque. Notre appartement ne comportait aucun escalier, seulement des fenêtres basses, les dangers étaient très limités et la loutre étant naturellement prudente, elle disposait d’une très grande liberté. De plus, elle pouvait facilement sortir à l’extérieur, nous avions accès à un grand jardin où elle pouvait gambader en toute sérénité.

Avec le camion, c’était tout autre. Les placards étaient soudainement trop durs à ouvrir pour elle, nous les avons doté d’aimants assez puissants. Elle devait soudainement demander de l’aide pour tout : pour accéder à ses jeux, pour prendre un livre, pour monter dans son lit, pour descendre de son lit, pour prendre de l’eau, pour avoir des crayons ou de la peinture, pour manger un morceau… Elle avait besoin d’adulte pour tout faire ! Dorénavant, nous ne nous trouvons plus systématiquement dans des lieux où elle se sent parfaitement en sécurité. Il y a parfois la proximité de la route (les voitures vont toujours tellement vite !) ou d’une forêt (« J’ai peur des ours maman… il y a des ours ici ? ») ou d’autres personnes quelques peu intimidantes. Le camion n’est pas un super terrain de jeu pour les petits enfants. Il y a peu de place, on est rapidement dans les pattes de quelqu’un et on se fait bousculer parfois. De plus, il est assez dangereux et fragile. Il ne faut pas toucher au levier de vitesse, surtout pas mettre le contact !, ne pas renverser de l’eau sur le sol, ne pas cogner les murs trop fort, … grosso modo : il faut faire attention à tout.

Source photo - Si on ne fait pas attention, il ne reste plus que le droit de suivre et regarder
En plus de cette sécurité et de cette autonomie confiante perdues, notre loutre devait nous suivre un peu partout. Au début de notre voyage, pour des raisons qui sont extérieures à notre volonté, nous devions aller très vite. Aller, hop, à l’escalade, hop on fait des courses, hop on part pour la route, hop on fait à manger, hop on se ballade, hop il fait nuit : on dort, hop on fait une petite toilette, hop on refait un peu d’escalade, ou une randonnée, et Jedi, on joue avec Jedi ?, hop on refait à manger, hop on va voir des amis, hop on change encore de lieu…

Et la loutre dans tout ça ? Elle était où notre petite loutre ?


Comment qu’on s’organise
Le conseil qu’on donne généralement aux voyageurs avec de jeunes enfants est le suivant : ralentir. Je pense que ce n’est pas exactement le problème et que ralentir pour ralentir ne suffit pas à régler la situation en profondeur. Adopter un rythme calme peut évidemment aider car cela permet de ne pas trop sur-stimuler l’enfant, pour quelques jours de vacances cela peut amplement suffire mais je le redis : pour nous, le voyage c’est 100 % du temps, il n’y a pas de retour à la vie normale, il faut donc trouver un équilibre stable. Apporter avec soi des éléments rappelant à l’enfant sa vie normale (doudou, routine, musique…) est encore un bon conseil mais non-applicable à notre situation.

Il n’est pas question de voyager avec cette idée : tiens bon, t’inquiète on te ménage, ça ne va pas durer trop longtemps. Ce que nous voulions transmettre à notre petite loutre c’est plutôt : voici ta nouvelle vie, on va faire en sorte que tu puisses y être complètement épanouie.

En observant notre énergumène, il nous est vite sauté aux yeux qu’elle avait un fort besoin d’activité à elle. Cette activité ne pouvait absolument pas être confondue avec une moment avec l’un de ses parents, ou avec un temps passé en famille, ou une sortie même orientée enfant (zoo, circuit blanc en escalade), ou un temps de repos. C’est autre chose encore. Pour être bien, pour être elle-même, pour être sereine, il faut obligatoirement et une fois par jour offrir à notre loutre un temps d’une à deux heures de travail autonome. C’est assez curieux, personne jusque là ne m’avait parlé de cela. Notre bout de choux (et je pense qu’elle n’est pas la seule dans ce cas) a besoin de vivre sa vie.

Source photo - Finalement, un peu de séreinité s’acquiert assez facilement.
Ce temps très spécial et vital à l’équilibre de toute la famille peut prendre plusieurs formes plus ou moins intuitives. Je vous donne quelques exemples trouvés au cours de notre route.
• un coloriage qu’elle peut faire seule ;
• aller à un jeu pour enfants avec d’autres enfants mais sans parents ;
• laver quelque chose ;
• essuyer la vaisselle ;
• jouer avec des paybaybiles (c’est le nom que leur donne notre loutre) ;
• peindre des cailloux ;
• faire des châteaux de sable ;
• pêcher.
Je vous fais cette petite liste pour vous donner quelques idées mais il est très facile de trouver de nouvelles activités. Tant qu’elles peuvent se faire en parfaite autonomie (non dangereuses, à sa portée, avec tout le matériel nécessaire), qu’elles soient assez passionnantes pour l’occuper un moment, c’est gagné !

Je pense que ce temps offert rattrape quelques peu l’autonomie et la sécurité qu’elle a perdu en nous suivant ainsi sur notre voyage. Lorsque nous respectons ce temps, nous avons une petite fille très à l’aise dans sa nouvelle vie. Elle a repris ses pourquoi à gogo, est très heureuse de nous suivre dans nos excursions, est enthousiaste à l’idée de faire quelques devoirs, et (c’est magnifique à voir) est très sûre dans ses choix : elle est capable de nous dire ce qui lui plait et ce qu’elle désire faire ou voir. Enfin, je pense que vous avez compris mon propos : voyager comme ça avec un petit bout de chou, c’est de la tarte !

Source photo - Maintenant, la route, pour la loutre c’est facile et naturel !

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