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J'ai toujours voulu que cela soit vrai

J'avais reçu une chaîne stéréo à Noël. Je chipais des CD dans le salon. Ces CD que nous entendions pendant les longs trajets en voiture jusqu'aux vacances. Quand la musique défile, on ne connait pas les noms des artistes, on reconnait parfois quelques mots des paroles sur les pochettes des albums… Je prenais dans ces noms inconnus, suivant ce demi-hasard du demi-souvenir, les musiques qui avaient marqué mon imagination. Et je passais les CD dans la chaîne. Je montais le son, debout au milieu de la pièce, le dos droit avant que l'adolescence ne le courbe, une main à hauteur de la taille, l'autre jouant en trois dimensions la musique que j'écoutais. Je chantais peu, je jouais dans les airs. Je voyais le poids des notes, j'inventais une partition alors que mes oreilles ne se sont jamais résolues à entendre juste. Mes doigts le savaient. Je disais que je faisais de la harpe, mais une harpe magique (voyez-vous) ne sachant pas le nom de cet instrument imaginaire. Une harpe où la main droite joue et où la main gauche dirige.



Aujourd'hui, plus d'une décennie plus tard, je sais. Merci Google. Je n'avais jamais vu, jamais entendu, mais ce n'était pas nouveau. Mon imagination est connectée au réel il faut croire. J'ai tout de suite reconnu la posture, et puis le son de cet instrument incroyable : le Thérémine. Même mon correcteur d'orthographe n'en croit pas ses yeux. Alors il y a bien un nom ? Oui, il y a bien un nom, il y a même quelques enregistrements sur youtube. Il y a même quelques virtuoses. Et surtout il y a mon coeur qui bat de se souvenir de jouer en secret pour ne pas être vue imaginer ainsi ce qui ne peut pas, n'est-ce pas ? Et pourtant si. J'ai toujours voulu que cela soit vrai, et cela est vrai.

A Brocéliande, une feuille morte entre les mains. Je la serre contre mon coeur lové sous la peau de mes mains et je souhaite. Je frotte la feuille dans mes doigts sentant dans mes pores la suie d'un arbre brulé par la foudre avant qu'il ne soit recouvert d'or. Je soupire et la feuille vole d'entre mes doigts. Elle se couche sur la surface de l'eau de la source magique. J'attends les bulles qui sortiront de la terre pour exhausser mon souhait. Les bulles surviennent timidement, je me tourne vers mon amie. « Qu'est-ce que tu as souhaité ? — L'amour. — Moi aussi. » Je voudrais qu'elle ait été exhaussée, elle aussi. J'ai voulu que cela soit vrai, et cela est vrai.

C'est toujours vrai depuis l'instant où l'être se souvient.

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A bientôt !
Céline.

Et Pi' l'ennui

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Pourquoi est-ce que tu me coupes Céline ? Parce que je sais déjà ce que tu vas dire. Et de me voir partagée en deux. Entre celle qui est heureuse de s'affirmer un peu et celle qui voit le mal que je fais à lui manquer ainsi de respect. Pourquoi est-ce que tu le coupes Céline ? Ah oui, alors dis-moi ce que j'allais dire ! Et je lui dis. Toujours scindée entre celle qui a peur de se tromper et l'autre qui danse sur elle-même parce qu'enfin elle peut s'exprimer, librement. C'était bien ce qu'il allait dire. Mais pas seulement. Cette idée que j'ai dite à voix haute, cette idée qui n'était pas la mienne, celle qu'il n'a pas pu dire parce que j'avais écouté avant, je l'avais terminée là où il n'était pas allé. J'avais pensé plus, à sa place.

Evidemment, il y avait cette fissure entre nous. Une ambivalence inconfortable. Lui, dépassé mais lui quand même compris. Moi qui le coupe mais qui participe. Lui coupé, lui à qui on a manqué du respect. Moi qui me révèle mais qui souffre d'aimer en dessous. Lui qui sent pourtant que je sais, que je l'ai marqué… Ce décalage qui se forme même entre nous, pourtant si proches. Evidemment qu'il était là, mais surtout il y avait l'ennui.

Fourbe, prêt à m'attraper toujours. Et moi qui me bats chaque seconde contre lui. Je connais depuis peu son nom, même s'il demeure dans mon dos depuis la nuit de mes temps. C'était parfois une espèce de blues bleuté et pâle, ou le gris impénétrable du manque total d'envie, un orange foncé comme les bouteilles en verre fumé pour l'énervement vain… Maintenant je connais son nom : l'ennui. Je sais contre quoi me tourner lorsque mes pensées et mon coeur tombent ensembles dans un coton collant et étouffant. L'ennui, ma bête noire, ma déprime, ma folie.

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Je ne connais pas mes droits. Ai-je le droit de couper quelqu'un alors que je sais déjà ce qu'il contient ? Pour m'épargner l'attente de voir surgir dans le présent ce qui est déjà pour moi le passé. Et quand je me trompe (jamais), je fais quoi ? Trop vite, trop tout prendre en pleine face même ce qui parfois n'a pas eu le temps de venir. J'invente. J'invente la réalité qui n'est pas encore. Ai-je le droit d'accuser lui ou elle parce qu'elle n'a pas dit ce qu'elle contient, parce que je l'ai coupée, parce que je me suis énervée avant. Je me défends contre ce qui existe dans mon passé mais qui n'est même pas pour vous. Même pas déjà. Mais qui est, que je touche toujours.

Avant je lisais. Je lisais chaque seconde de ma vie et les secondes d'autres vies, rapidement, avidement pour combler tous les instants d'attente. Où j'attendais que la réalité survienne enfin dans votre présent, pour qu'on puisse en parler. En fait, nous n'en parlions jamais. Je lisais toujours, car il y avait tant à attendre.

Mais lire ainsi ne me comble plus. Trop peu de lectures pour mon besoin. Trop peu de nourriture tout juste nourrissante pour mon imagination mais pas indigeste pour la vitesse à laquelle je veux les avaler. La beauté c'est pour les moments où je suis équilibrée.

Vous imaginez-vous cette folie ? Un roman par jour, parfois plus. Les murs d'un bureau quelque part chez mes parents tout recouverts de livres. Et ceux qu'on me prêtait, ceux que je lisais par dessus les épaules, ceux que je relisais… Les rayons des libraires que je vidais, vidant ainsi le portefeuille de mes parents. N'y avait-il pas autre chose à faire ?

Enfin, ce remède ne fonctionne plus de toutes façons.

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Je pourrais apprendre encore et encore. Mais je tourne autour de moi et rien ne me motive. C'est que l'ennui m'a déjà touchée. Il faut se secouer encore plus fort quand il a déjà touché. Je m'accroche à ma liste. Je coche, je coche, un de plus, un de plus et puis l'ennui s'enfonce encore plus profond en moi.

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J'ai honte, un peu. J'ai appris quelques décimales de Pi.

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Les cent premières seulement, sinon j'ai trop peur de me perdre. Enfin, j'en suis à 108, mais chut il ne faut rien dire. Je me coupe encore en deux. Entre celle qui a honte de ne rien faire de son temps qui va pourtant si vite. J'ai honte de ne rien faire de plus utile, de plus sensé, d'inverser la courbe du monde pour qu'elle soit un peu plus harmonieuse. Mon dentiste m'avait dit il y a quelques années « Lorsqu'on est intelligent, il faut utiliser son intelligence pour les autres… » J'avais la voix coincée par un aspirateur buccal, je n'ai pas pu lui répondre toute ma colère et à la fois tout mon asservissement. J'avais 16 ans peut-être, peut-être moins et il m'avait dit ça, j'aurais répondu « Oui », ne sachant pas tellement ce que ce oui pouvait bien signifier. Toute ma culpabilité.

je m'étais arrêtée où ? (petite joueuse, j'aurais dû les apprendre à l'envers…)

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Et puis il y a mon cerveau qui se réjouit. Je le sens redoubler de créativité pour tout retenir. Il prête une intention au nombre. Parfois par deux, parfois par trois, parfois tout seul. Il voit les répétitions, comme les couplets d'une musique, et une transition. Un bloc, une ritournelle des chiffres comme pris au hasard, et puis un motif encore. Mon cerveau perçoit comme une psychologie dans ces chiffres, c'est hypnotique. Il devine comme un Dieu qui comme un chef d'orchestre demande aux zéros de se faire un peu attendre. Les zéros donnent le rythme.

d'après 葉淑惠…
Danser le sens des nombres qui n'ont pas de sens.

Parfois je me trompe, je me corrige et je comprends. Je comprends l'absence de sens. Je m'oublie dans cet apprentissage inutile, dans cette perte de temps alors que tant de choses mériteraient d'être faites, elles aussi.

Mais je sens l'ennui qui me quitte. Je sens mon esprit et mon coeur qui se réveillent. Je sens tous mes muscles qui se prennent au jeu. Les huit sont dans les bras, les neuf dans le ventre. Je danse les décimales de Pi, allongée dans la loveuse au milieu du salon.

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Peut-être me suis-je trompée en vous les copiant ici dans l'article. Mon but n'est pas de vous montrez combien je suis super forte à retenir ainsi tous ces chiffres inutiles, sans moyen mnémotechnique si ce n'est la créativité imaginative de mon cerveau. Je m'ennui parfois. C'est une maladie terrible, plus terrible que n'importe quel ennui je ne sais pas, plus terrible que le vôtre je voudrais dire oui mais je n'en sais rien. Je n'ai pas encore trouvé mon remède. Retourner à l'école ? Travailler dans la recherche ? Oui, mais alors ma vie ? Ma fille, mon mari, Jedi ?

J'apprends, oui, mais pas toujours des choses pour changer le monde. Je suis profondément désolée d'être si minable lorsque l'ennui me touche.

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Céline.

•Blog à mille mains •
Contraste

Il est coincé quelque part entre trente-huit degrés et trente-neuf degrés et demi. Il ne sait pas exactement, il suffoque. La sueur coule dans son dos et colle ses vêtements. Il est coincé entre ces deux parallèles, son esprit s'évade. Si seulement il trouvait quelque part… Son attaché caisse pend au bout de sa main, elle trainerait presque par terre. Les portes du bus s'ouvre, il se faufile. Il passe entre des hommes et des femmes à la peau brillante. Le col de son costume l'étrangle mais il n'amorce aucun geste pour se sauver. La chaleur du bus en le doublant l'écrase, il s'avance vers la place.

Ambre (Arbre de vie), pour le blog à mille mains.

Tout de suite, la fraicheur des fontaines lui caresse les joues. Un vent de soulagement profond l'emporte soudain. Deux enfants sous les jets d'eau jouent, nus. Ils se tiennent par la main pour ne pas glisser, le poids écrasant du soleil ne les atteint pas. Et l'eau, partout autour, brillante et fraiche comme la chaleur est suffocante et sombre ; l'homme voudrait traverser la place au milieu d'elle. L'homme rêve de cette eau coulant dans son cou dans son dos ; emportant avec elle ces rendez-vous et ces délais aussi importants que futiles collant à sa peau avec la poussière de l'été. L'homme, tassé sous son costume sombre rêve de cette légèreté soudaine. Être nu au milieu de la place au milieu de l'eau fraiche.

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