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Et si j'étais (pas) payée ?


Je ne suis pas une petite sainte. J'ai une très grande estime de moi-même —mais bon, quand ton QI dépasse de loin la moyenne, il faut bien ça pour survivre— et je méprise royalement les gens quand ils font les idiots. En plus, j'ai tendance à salement rayonner alors rares sont les personnes qui me trouvent désagréable. Dans ceux qui résistent y'a mes frères et mes parents. Depuis le temps qu'ils me côtoient, ils ne sont plus dupes. Heureusement pour moi, un truc magique me protège de leurs jugements : l'amour. Je me dis que, de toutes façons, ils m'aiment donc je n'ai pas besoin de leurs plaire. Mon amoureux n'est pas dupe non plus, mais avec lui, c'est différent : j'ai envie qu'il me trouve super ! Alors, quand je suis avec lui, je suis bien obligée de me corriger. Mais sinon, avec les autres, avec vous, c'est fastoche la bidoche.

Si je vous dis tout ça, ce n'est pas seulement pour vous provoquer (hein ?) mais plutôt pour vous faire comprendre que je n'ai pas l'intention ici de vous écrire un article tout rose et tout mielleux genre "Je suis une femme parfaite", NON ! J'ai envie de réfléchir avec vous d'un sujet qui me travaille. Je n'arrive pas à me décider. Voilà : je ne sais pas s'il faut ou non que je demande à être payée. Bizarre comme question, n'est-ce pas ?

 Mon papa me disait souvent (il me disait ça comme une vérité indéniable) : tout travail mérite salaire. Je suis d'accord sur un fait. Quand tu travailles, quand tu bosses, quand tu fais des trucs que tu destines aux autres, tu n'as pas à crever sur les berges de la Seine*. Parce que quelqu'un qui fait profiter son existence à une société a le droit d'avoir un retour de la part de cette dite société. Ou de la part d'une autre société quelconque, le principal étant le retour. Parce que sinon c'est pas juste. Par contre, là où sa petite phrase ne m'aide pas du tout, c'est dans le mot salaire. Qui dit salaire, dit salarié. Et quand t'es pas salarié et que tu travailles quand même ? Est-ce que tu as toujours droit à un salaire ?



Moi, je crois que oui. Oui, je crois avoir, moi aussi, droit à un salaire. Mais voilà, je le demande à qui mon salaire ?

Quand je donne des cours en dehors de l'école et que je vois bien que les élèves qui ont le plus besoin de moi sont ceux dont, justement, les parents ont peu de moyens : je le demande à qui mon salaire ?

Quand j'écris pour ce blog, que je milite pour la fin de la violence faite aux enfants, que je soutiens quelques personnes en partageant des morceaux de ma vie (allaitement, éducation, réalisation de soi…) : je le demande à qui mon salaire ?

Quand j'écris un roman, que ça me réclame un millier d'heures de travail, quand je fais tout ça pour diffuser de la connaissance, des réflexions, un produit de l'humanité : je le demande à qui mon salaire ?

Il m'arrive bien souvent de dire à un parent qui me demande, un peu tremblant, le prix d'un cours : "Oh, ça va, laissez. Pour cette fois, je ne vous demande rien." Vous voyez un peu comme il est content ? Comme il est soulagé ? Comme il sert son enfant contre lui en lui demandant, tranquillement : "Et alors ? Tu as bien travaillé ?" Franchement, ça vaut le coup de rien demander en échange parfois. Et après, je regarde mon livre de compte en souriant. Je n'ajoute pas de ligne avec de petite bulle au bout, non, je voudrais pas qu'on m'accuse de ne pas faire mes déclarations, alors ce cours gratuit, ce cours offert par plaisir, il disparait. Sans salaire. Sans rien. C'est un cadeau offert à la société.

Pour mon livre, j'ai longtemps pensé (et je pense toujours) proposer une version numérique gratuite. Mon entourage en entendant mon projet est vite monté sur ses grands chevaux : "Quoi ? Mais non Céline ! C'est n'importe quoi ! Ton livre va être pris, lu, échangé et tu n'auras rien, RIEN ! Même pas de retour, même pas de merci, tu ne sauras même pas qui l'a lu…" Tant de travail et ne rien gagné en échange : quelle erreur ! Bah oui. Bah non. Je ne suis pas certaine que ça soit une erreur. Et pourquoi est-ce que je devrais absolument demander à mes lecteurs de me payer, hein ? Pourquoi eux ? Eux, qui peut-être, ont aussi des problèmes avec l'argent, eux qui, peut-être, ne sont pas certains d'aimer mon livre, de le finir.

Oui mais voilà, après tout ça, je le demande à qui mon salaire ? Mon droit de vivre dignement ? Dans une maison ou ailleurs ? De manger correctement et avec plaisir ? De m'habiller avec un minimum de goût ? D'éduquer ma fille dans de bonnes conditions ?



Y'a en France un truc qu'on appelle le RSA. C'est un revenu qui te permet, quand tu as des revenus personnels trop faibles, de les compléter un peu. Quand tu reçois le RSA on t'accuse de profiter, de devenir un assisté, et on te fait passer dans certains départements des rendez-vous réguliers pour bien voir si tu fais quelque chose pour t'en sortir. Je n'ai encore jamais été à l'un de ses rendez-vous (et je rassure ma famille qui se pose peut-être des questions : je ne reçois plus le RSA depuis longtemps. Merci l'Explorateur !) mais je me demande souvent : qu'est-ce que je lui dirait au gugus ? “Heu… J'ai pas beaucoup d'argent parce que je n'en demande pas. Je fais des cours gratos, j'ai écrit un roman du feu de dieu mais je le distribue gratuitement… Et puis franchement monsieur gugus, faire tout ce pataquesse pour 400 €, dites, c'est-y pas exagéré ?”

Ca tient la route comme discours, vous croyez ?

L'année prochaine, vous le savez peut-être, je pars à l'aventure avec toute ma famille. Durant ce voyage je compte bien garder mon activité professionnelle mais… j'ai eu une idée. Je ne vais pas être payée. De façon officielle. Je vais proposer mes cours génialissimes de maths et de français sans rien demander en échange de garanti. Je vais proposer le troc (une douche chaude ? quelques légumes de votre jardin ? un carré de terre pour installer le van tranquilou ?…), un salaire libre (20 centimes ? Ok !) ou juste un sourire et une tasse de thé pour les plus chanceux. J'ai envie. Et cette idée me remplie de joie.

Et de quoi je vivrais au delà de ça ? Peut-être alors des 400 € que la société voudra bien me donner. Et je les aurais durement gagné.

_____________
*Voyez un peu comment je m'adapte à mon lectorat parisien !

14 commentaires:

  1. L'argent c'est ce qui nous ramène dans le concret de la vie humaine, genre je rêve d'aller dans l'espace, ah mais mince, il me faut un chéquier. Souvent il y a des rêves qui ne demandent pas de financements, cela sont souvent les meilleurs.
    Concrètement, si les finances de l'Explorateur suffisent à faire tourner votre monde, alors je dirais que ta générosité a toute sa place, si toi, tu te sens bien, en harmonie et sans complexe avec cette idée du "don". Ton idée du siècle est géniale, d'ailleurs on devrait tous vivre comme ça, je te souhaite qu'elle fonctionne!

    PS: rha oui l'idée du livre en ligne gratuit, c'est merveilleux, mais j'avoue que je te souhaite de recueillir du pognon quand même, pour un tel boulot! Non, ne l'offre pas comme si tu offrais un prospectus, ton livre mérite un écrin, un effort de la part du lecteur.

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    1. J'ai parfois l'impression que l'argent est un garde fou que l'homme s'est à lui-même imposé… Parfois, je me demande s'il est bien raisonnable de l'appliquer à certaines causes. Ca serait si simple si pffit ! il disparaissait pour nourrir les sans abris, pour accueillir les rescapés.

      Les finances de l'Explorateur bientôt ne suffiront plus : il quitte son travail en juin prochain. Alors, ça change tout : à chaque fois que je ferai un don, il n'y aura plus d'argent derrière pour nous assurer une bonne soupe !

      Je réfléchis encore à une manière de transmettre mon livre en version numérique avec un autre échange que celui de l'argent. Je voudrais qu'il soit gratuit en euros mais pas gratuit tout court.

      Merci pour ton commentaire Cendra ! :-D

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  2. Coucou, ton article est touchant :-)
    Je comprends parfaitement ton état d'esprit puisque je fais beaucoup de choses similaires, gratuitement, le blog ou de l'aide, enfin disons que je prends beaucoup le temps pour les autres ^^
    Certains diraent qu'à trop être comme ça c'est un manque d'estime de soi (on estime ne pas avoir à être payé car on ne s'estimerais pas assez), ça se tient mais ce n'est pas que ça pour ma part (même si j'avoue avoir une tendance trop philanthropique et me faire encore souvent avoir m'enfin...) : qu'en penses-tu ?

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    1. Je peux dire très très franchement que je ne manque absolument pas d'estime de moi. Je dirais même que si je fais ça, c'est peut-être parce que, justement, j'ai trop d'estime de moi. Dans le genre : "Je peux vivre au dessus de tout ça, sans problème !" :-D

      Est-ce que toutes les personnes qui font du bénévolat sont ceux qui ont un manque d'estime de soi ?? C'est bizarre comme théorie je trouve.

      Je suis aussi très philanthropique et je n'ai pas l'impression de me faire avoir plus que les autres… Disons que ma philanthropie me simplifie bien la vie ! Tu ne crois pas ?

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  3. Aïe, excusez pour les yeux, faute atroce "cela" --> "ceux là"

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    1. Désolée d'avoir mis tant de jours à répondre à ton commentaire… ! Et j'avais même pas vu ton erreur. Maintenant, si ;-)

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  4. L'argent n'est pas la seule forme de reconnaissance, en effet, même si cela apporte une certaine sécurité et indépendance. Mais il semblerait que tu te poses la question si justement tu ne saurais pas être plus heureuse dépendante de dons, qui sont d'autant plus gratifiants qu'ils sont volontaires et personnalisés... Un équilibre entre ces deux modes de fonctionnement est peut-être la clé du bonheur?

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    1. Tout à fait, il me faut un équilibre entre les deux car je ne veux pas devenir DEPENDANTE des dons, je veux qu'ils soient volontaires et non pas parce que j'en ai plus que BESOIN. Je vais voir si je peux trouver un équilibre entre les aides de l'Etat et les échanges avec les personnes que je rencontre et que j'aide ici et là avec mes compétences. C'est un équilibre qui m'est complètement inconnu !

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  5. S'il ne tenait qu'à nous de ne pas avoir besoin d'être payé, je crois qu'on serait nombreux à s'en moquer. Mais malheureusement la société fonctionne entièrement et exclusivement sur ce mode-là. Acheter, vendre, on ne fait que ça ! Ton idée de troc est parfaite^^.

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    1. Je ne remets pas du tout en question la place de l'argent dans notre société. Ca serait vraiment trop… difficile ! Il faudrait tout revoir, ce serait une machine ultra déséquilibrée à revoir du tout au tout. Non merci, c'est trop pour moi.

      A mon échelle : je veux de l'argent ! Mais pas d'un argent que j'aurais réclamé en échange d'un service ou d'une aide, d'un argent gagné globalement, parce que je suis active socialement.

      Et à côté de ça, pour compléter mes "revenus", le troc serait génial, oui ! Si les gens sont partant, je suis sûre que cela enrichirait grandement nos relations ! Bien plus qu'avec un petit billet, même donné en main propre :-D

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  6. "L'argent ne fait pas le bonheur" Oui les gens répondent que sans argent on ne vit pas, etc. Mais peu d'argent, de quoi vivre suffit amplement et permet aussi je pense de se souvenir que le bonheur n'est pas dans la possession mais dans ce que l'on vit.
    Ton geste est beau : les gens qui auront les moyens t'offriront ce dont ils ont envie et ceux qui ont un peu moins d'argent t'offriront ce qu'ils peuvent. C'est sûrement une super expérience de rencontrer des gens de cette façon qui, dans mon esprit optimiste, voudront t'offrir des cadeaux personnels en plus : un dessin du petit dernier, un bouquet de fleurs du coin, un plat fait maison,... Oui je suis optimiste et j'aime ça ;)

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    1. J'ai aussi cette vision très optimiste de mon idée ^^ J'ai hâte de tester et de voir comment les gens réagissent ! Ma maman, que j'ai vu ce week-end, m'a dit que ça ne pouvait pas marcher. Mais il y a tant de choses pour lesquelles on te dit que ça ne marchera jamais et où tu t'en sors quand même très bien que je ne remets pas en question cette histoire de troc et que je ne le ferai pour rien au monde !

      Merci pour ton commentaire ! A bientôt :-)

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  7. Les générations futurs (et peut être nous), pourrons bénéficier du revenu de base. Rien n'est encore gagné mais l'idée fait son chemin et c'est bien ainsi.
    Le gitans appellent l'argent "l'oxygène". Il va et vient, entre et sors comme l'air dans tes poumons.

    Depuis des années j'ai remplacé salaire par rémunération et face à ce rapport décalé vis à vis de l'argent j'ai mis en place ce que j'appelle "la part des anges".

    Ayant bien travaillé sur mon estime, j'arrive à évaluer la valeur que j'apporte aux autres. Cette valeur, je l'échange contre de l'argent et parfois je l'offre à ceux dans le besoin.

    En tant que semi nomade (makeupontheroad est ma dernière errance), il est assez facile d'être nomade et en même temps de trouver une rémunération juste (vis à vis de soi).

    Ravi de découvrir ce blog.

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    1. Le revenu de base (ou universel) fait son chemin… Peut-être arrivera-t-il, peut-être pas. On prévoyait une toute autre technologie pour notre génération, il est possible que les mentalités suivent un chemin aussi surprenant. Est-il réaliste de croire à un futur seulement influencé par notre présent ? Il dépend surtout je pense de ceux qui ne sont pas encore en place.

      Je me dis aussi que le nomadisme pourrait être une solution pour moi, pour établir un certain équilibre entre la valeur de mon travail, ce qu'il me donne concrètement en monnaie, et ce que mon train de vie réclame. Nous le saurons d'ici quelques mois ;-)

      En tout cas, je suis ravie d'avoir relevé votre petite phrase sur Twitter. Merci d'être passé par ici.

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Céline.

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