: J'ai lu l'Enfant de Maria Montessori, et j'ai adoré !
Céline Dehors et François l’Explorateur — Aspirants, chercheurs en liberté, expérimentateurs d’idées loufoques. — Et accessoirement auteur de « Ce que le Souffle m’a donné »

dimanche, juin 07, 2015

J'ai lu l'Enfant de Maria Montessori, et j'ai adoré !


Je connaissais déjà ce que les mots « Pédagogie Montessori » signifent dans les grandes lignes. J’avais déjà mon avis sur la question, j’avais déjà écrit un article sur le sujet (que vous pouvez consulter ici), nous avions déjà appliqué (parfois consciemment, parfois par hasard) des principes proposés par cette pédagogie à la maison. Je savais que Maria Montessori avait été pionnière dans sa vision de l’enfant, je savais que sa démarche avait été scientifique, basée sur des observations directes des enfants et non pas sur des idées et des principes idéalistes qui inventent l’enfant comme l’adulte voudrait qu’il soit, plutôt que de le connaitre et le comprendre. Ce que j’avais lu jusque là sur le sujet m’avait plu, lorsque j’avais vu les jeux pour tous petits dits « Montessori », je n’avais pas été particulièrement emballée. Je me doutais bien que cette pédagogie était autre chose que quelques jeux bien réfléchis, quelques installations de la maison à la hauteur de l’enfant, mais impossible de trouver une publication qui répondait à ma curiosité.

Il fallait que je lise Maria.

Alors j’ai cherché une traduction sur internet, en e-pub. Je me disais que, puisque Maria Montessori avait commencé son travail au début du siècle dernier, il y a donc quelque temps, il était possible de trouver un texte gratuit. Que nenni ma belle ! En anglais, OK, mais en français… ? Je n’ai pas eu la chance de tomber dessus.

J’ai finalement acheté un livre. Il est édité par les éditions Desclée et Brouwer, son titre est L’enfant, et ce fut pour moi une révélation.

Petit aperçu de mon intérieur : l'un de mes coins-lecture fétiches.

La lecture…

L’enfant se lit comme un roman car Maria Montessori raconte. Les idées en enchaînent d’autres, Maria Montessori décrit sa première expérience, avec de pauvres et gentils petits enfants d’une banlieue d’Italie. La pédagogie Montessori, et je l’ai compris grâce à ce livre, n’est pas une méthode miracle pour transformer votre morceau en être génial. D’ailleurs, le livre ne parle pas de pédagogie, il parle uniquement du petit enfant, jusqu’à 5-6 ans. J’étais d’ailleurs un peu déroutée en ouvrant les pages parce que je m’attendais à rencontrer une méthode miraculeuse. En fait, dans l’Enfant, il n’y a pas de méthode, il y a bien plus que cela. Maria Montessori y parle de sa découverte de l’enfant même, de sa raison d’être, de ses aspirations. Je n’avais encore jusque là jamais entendu personne parler de l’enfant de cette façon, avec autant d’humanité et d’espoir. Avec autant d’optimisme.

J’ai également vu dans le livre une teinte spirituelle, une envie de montrer une voix plus humaine au monde, pour que l’humanité fasse un nouveau pas vers le progrès. Parce que Maria Montessori nous parle de l’évolution de l’Humanité avec une voix douce et maternelle comme si nous étions tous assis autour d’elle, j’ai eu l’impression de revoir un écrit de Mère d’Auroville. Peut-être la connaissez-vous ? Le fait que ses deux femmes, qui en les lisant semblent se ressembler, soient contemporaines m’a troublée, d’autant plus que Maria Montessori a travaillé dans une école près de Pondichéry, autrement dit près d’Auroville. Tout cela me pousse à me poser la question : « Se connaissaient-elles ? »

Tout est tellement magique et révolutionnaire, mais à la fois logique, dans ce que raconte Maria Montessori, qu’on dirait une histoire inventée. Pourtant, je revois tous les éléments dont elle parle chez ma fille, chez les autres petits enfants que je connais, et parfois même auprès des ados avec lesquels je travaille. On dirait une histoire inventée mais je suis persuadée qu’il s’agit d’une histoire vraie. En tout cas, c’est un roman très réussi parce qu’il décrit parfaitement le monde réel, grâce à toute une panoplie d’idées nouvelles et fantastiques.

En lisant l’Enfant, je n’ai pas seulement réfléchi à la situation de ma fille, je me suis également regardée moi-même. Parce qu’en parlant de l’enfant, Maria Montessori parle évidemment de tout le monde. Les adultes sont concernés par son écrit, puisqu’ils ont été enfants un jour et qu’ils élèvent pour la plupart des enfants. 

Cette lecture m’a transformée 

La lecture de l’Enfant a considérablement changé ma vie de maman. Je savais bien que les petits enfants ne pleuraient pas pour le plaisir mais jusque là, grâce aux puéricultrices et aux autres mamans que j’avais rencontrées, je restais bien souvent cantonnée au : « C’est difficile de savoir pourquoi ils pleurent. Le principal, c’est d’être là. » La lecture de l’Enfant m’a ouvert les yeux sur l’intense besoin d’apprentissage qu’ont nos petits protégés. Maintenant, lorsque j’entends un enfant pleurer près de moi sans qu’on arrive à le satisfaire, je ne reste plus braquée sur lui, à essayer de le consoler : je regarde tout autour de nous afin de comprendre ce qui a suscité l’intérêt du jeune avant qu’il éprouve sa tristesse ou sa frustration. Et on trouve ! Figurez-vous qu’on trouve ! Moi, je trouve quasiment 3 fois sur 4 ! C’est magnifique l’impression d’être une mère exceptionnelle ! Les sourires que je reçois en retour… Je vous dis pas : de vrais petits anges !

Ce que j’ai réussi à comprendre en lisant ce livre, c’est que nos enfants ne sont pas des êtres faibles et têtus, ils deviennent intelligents, ils développent leur volonté. Bon, je vous donne un exemple concret. Nous faisions de l’escalade, l’Explorateur et moi, et nous avions évidemment emmené la Loutre et le Loup. La Loutre jouait tranquille au pied de la voie, près de ceux de l’Explorateur, tout allait bien. Et puis soudain, elle a décidé de descendre. C’était dangereux, et puisque l’Explorateur m’assurait (il était donc attaché à moi par le biais d’une corde) il ne pouvait pas lui laisser courir ce danger seule. Il l’a donc retenue. La Loutre pleurait en essayant de passer, coûte que coûte, le barrage de jambes que l’Explorateur lui faisait. C’est vrai, notre petite bulle pouvait paraître têtue et désobéissante. On lui avait bien dit : « Non ! Ne descends pas ! » Et que faisait-elle ? Elle essayait de descendre. Voilà, avant, on s’en serait tenu là : à lutter, volonté contre volonté, forts (les parents) contre faibles (les enfants).

Maintenant, grâce à ma mère spirituelle Maria Montessori, tout a changé. Ma fille n’est plus un bébé têtue et faible. Ma fille a de bonnes raisons de vouloir quelque chose et parce que c’est un être humain, il est normal qu’elle refuse notre bras de fer. Avec un chien, c’est différent. On lui dit « Non, reste, ici. », hop, il s’assoit. Ma fille a la notion de la justice, non mais ! Ça a l’air plus difficile à gérer lorsqu’on ne comprend pas. Mais voilà, entre êtres humains, même si elle n’a pas la parole, on se comprend. En bas, il y avait la nourriture. La Loutre avait faim. Logiquement, elle voulait descendre. Elle connait le mot « manger » en langue des signes, elle dit parfois « Meumeu » en français, mais elle n’a pas encore le réflexe d’exprimer son besoin lorsqu’on ne comprend pas ce qu’elle veut faire. C’est à nous de faire l’effort. Pourquoi refuses-tu notre autorité lorsqu’on te dit de ne pas descendre, que c’est dangereux ? Voilà la question que la lecture de l’Enfant m’a apprise. Alors je lui ai dit : « Tu veux manger ? » Et il n’y a plus eu de conflit. J’ai terminé ma voie dans le calme. Et puis nous sommes allés manger.

Et ce n’est qu’un exemple.

Le respect

La lecture de l’Enfant m’a appris une forme de respect que je ne suspectais même pas : celui des tout-petits. Je redoutais ensuite de trop juger les parents qui ne voient pas et qui ne savent pas, de les regarder de travers lorsqu’ils crieraient contre leur gosse parce qu’ils ne peuvent le faire entrer dans la voiture, ou quoi. En fait non. Je suis devenue une personne meilleure. Je juge encore moins qu’avant les autres parents que je croise autour de moi. Je vois en eux mes propres difficultés : comment faire la part des choses entre l’éducation actuelle des enfants qui est souvent irrespectueuse mais qui est la seule que nous connaissons généralement, et notre volonté de mieux faire ? Comment faire lorsqu’on croit qu’on est contraint d’aller au conflit, parce qu’avoir des enfants c’est forcément ça, et que les autres nous regardent l’air de dire : « Le mien, ne m’a jamais fait ça. » ?

Je m’estime privilégiée. Parce que la vie a mis dans mes mains une autre réponse, terriblement humaine et intelligente. Et que cette autre réponse est à ma portée.

La difficulté du livre

Le livre comporte une petite difficulté de lecture dont j’aimerais vous parler. À plusieurs reprises, Maria Montessori dit que l’enfant est le constructeur de l’Homme, le constructeur de la civilisation, etc. Cette idée m’a tout d’abord paru étrange, surtout qu’elle n’est jamais clairement expliquée. Après quelques relectures et quelques réflexions, voici ce que j’ai compris :

Parce que nous avons tous été enfant un jour, et parce que l’enfant que nous étions a fait, en grande partie, l’adulte que nous sommes, c’est bien l’enfant que nous étions et l’enfant qu’étaient tous ceux qui nous entourent, qui font la société dans laquelle nous vivons. C’est ainsi que l’enfant fait l’humanité. Voilà pourquoi il est primordial de nous occuper sérieusement des enfants. Et quand je dis sérieusement, je suis d’accord avec Maria, ça veut dire loin de l’idéalisme des adultes bien-pensants, c’est avec ce que sont véritablement les enfants qu’il faut travailler.

Là où je ne suis pas d’accord, par contre, c’est lorsque j’ai cru sous-entendre qu’une fois adulte, l’on ne pouvait plus s’éduquer. Là, je me dis : « Faux ! Archifaux ! », les adultes, eux aussi, ont des besoins psychiques.

Critique de l’Édition

Je voudrais terminer cette revue avec une critique assez virulente du travail des éditeurs Desclée de Brouwer, parce qu’ils ont fait leur travail n'importe comment. La police du texte est très mal choisie, elle a bavé à l’impression. On a l’impression de lire un livre de grand-mère ! (de ceux qui ont les pages jaunies et qui sentent la cave) C’est pas que je n’aime pas les livres de grand-mère, mais quand même ! De plus, j’ai vu au fil du livre pas mal de fautes de frappe, des lettres à la place des autres, des à la ligne là où il n’y en a pas besoin. Non mais, c’est des professionnels qui ont fait ça ? J’ai également acheté le livre « L’esprit absorbant de l’enfant », et puisque la police est petite, c’est encore pire. J’ai l’impression qu’ils ont tout simplement scanné une vieille version du livre et copié-collé les pages avec Word. Et hop ! Ils vendent ça à 20 €, la belle affaire ! Là, je ne suis vraiment, vraiment pas contente. Le livre l’Enfant de Maria Montessori mérite un bien meilleur traitement.

Conclusion

En conclusion, je dirais qu’il faut absolument lire ce livre. Pour les parents, pour les grands-parents, pour les futurs parents, pour les éducateurs… L’Enfant de Maria Montessori c’est bien plus qu’une série de jeux en bois vendus à 50 € pièce, c’est une philosophie qui peut tomber à point nommé dans votre vie.

Mais je vous déconseille d’acheter le livre neuf car le contenu a beau être époustouflant, le contenant est pas terrible-terrible. Je n’ai pas encore trouvé de version en ligne. J’espère qu’elle ne tardera pas. Ou alors il faudrait lancer une pétition auprès de Desclée de Brouwer pour qu’ils travaillent avec plus d’application.

4 commentaires:

  1. Super article ! J'étais un peu sceptique sur l'éducation façon Montessori mais là ton billet me donne envie de creuser. Perso, je te vois bien en sélection HC mais bon, je suis pas devin^^. Bises !

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    1. Je pense que la lecture de l'Enfant pourrait te plaire. C'est assez philosophique, ça prône la liberté de l'Homme et le respect de son intelligence. Bien sûr, ça parle de l'enfant mais en lisant certains passages à l'Explorateur, nous nous sommes dit qu'il était évident que Maria Montessori fut attaquée par le gouvernement fasciste en Italie, elle s'élève haut et fort contre tous les tyrans de la société (et contre la société qui s'auto-tyrannise).

      Pour la sélection HC, nous verrons bien. Je n'ai pas publié l'article vendredi soir pour lui laisser une chance.

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  2. Merci beaucoup pour cette critique littéraire très instructive !!!!
    Je me retrouve un peu dans ton profil lorsque tu dis être attirée par le principe de la pédagogie Montessori sans en savoir vraiment plus que ça, mais ne pas être convaincue par les jouets... Mais si ce livre est si renversant, je pense qu'il vaut vraiment le détour. En tout cas la description que tu en fais donne envie de se laisser tenter.

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    1. Je pense qu'on peut trouver des livres qui décrivent précisément la pédagogie montessori : pourquoi le matériel est si important, comment l'utiliser, dans quel ordre, etc. L'Enfant n'est pas du tout un livre de ce type. Il est très philosophique. Je pense qu'on ne peut pas vraiment utiliser correctement le matériel Montessori ou tout autre outil dans le même genre sans avoir lu un livre comme l'Enfant, mais même sans vouloir se lancer dans l'aventure des pédagogies alternatives, lire l'Enfant est vraiment très intéressant.

      On s'éloigne complètement des discours conventionnels qu'on peut entendre ici et là sur les enfants. Je pense notamment aux "de nos jours, on laisse trop faire aux enfants", ou du faux-débat sur la fessée, ou des jouets rose et des jouets bleus… Parce que la philosophie Montessori s'éloigne complètement de ces préoccupations. Maria Montessori nous invite à mieux observer l'enfant et (comble de la générosité) nous donne des clefs très intéressantes pour le faire, et pleins d'exemples.

      En tout cas ce livre m'aide beaucoup pour l'éducation de ma fille. Je fais, comme tous les parents, avec les moyens du bord — mes moyens intellectuels, mes moyens matériels, le temps dont je dispose — et la lecture de ce livre m'en a offert énormément en très peu de temps.

      Merci d'avoir lu ma critique avec autant d'intérêt ! J'ai mis beaucoup de coeur dans cet article.

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A bientôt !
Céline.

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